Il s’agit du plus important procès contre des partisans de la démocratie à Hongkong. Ce jeudi 30 mai et en l’absence de tout jury, la justice a déclaré 14 militants coupables de subversion. Les peines, elles, seront prononcées plus tard dans l’année.
Le verdict survient plus d’un an après l’ouverture du procès, début février 2023. Au total, 47 figures de proue de l’opposition étaient accusées d’avoir enfreint la drastique loi sur la sécurité nationale à Hongkong, promulguée mi-2020, et qui a muselé toute dissidence dans l’ancienne colonie britannique. Toutes avaient été inculpées pour «conspiration en vue de commettre des actes de subversion» – des faits passibles de la réclusion à perpétuité –, un an après avoir organisé une primaire officieuse pour sélectionner des candidats de l’opposition en vue des législatives.
«Une question purement politique»
Ce jeudi, c’est sur le cas des 16 mis en cause qui, parmi les 47, avaient plaidé non coupables que la justice s’est prononcée. Parmi les 14 militants reconnus coupables, on retrouve d’anciens députés, comme «Long Hair» Leung Kwok-hung et Ray Chan, ainsi que l’ancienne journaliste Gwyneth Ho. Le tribunal a en revanche déclaré non coupables deux anciens conseillers de district, Lawrence Lau et Shun Lee, mais le parquet a d’ores et déjà annoncé que le ministère de la Justice ferait appel de cette décision.
Reportage
Selon le parquet, l’objectif des militants pro-démocratie avec cette primaire était d’obtenir une majorité au sein de l’assemblée partiellement élue de la ville, notamment afin d’opposer leur veto aux budgets, et de potentiellement forcer à la démission la dirigeante pro-Pékin de Hongkong de l’époque, Carrie Lam. Face à ces allégations, la défense a fait valoir que la loi fondamentale, qui sert de Constitution à Hongkong, permettait ce projet, et qu’il s’agissait donc «d’une question purement politique plutôt que d’une question juridique».
L’Union européenne «profondément préoccupée»
Aux yeux de nombreux analystes, ce procès représentait un test majeur pour l’indépendance de Hongkong face à Pékin. En janvier 2021, l’arrestation des principaux accusés, dont le juriste Benny Tai ou encore l’ex-députée pro-démocratie Claudia Mo – qui ont tous les deux décidé de plaider coupables –, avait conduit les Etats-Unis à imposer des sanctions à six responsables chinois et hongkongais. En mai, le consul général des Etats-Unis à Hongkong, Gregory May, avait assuré que Washington allait «suivre de près les verdicts attendus et leurs condamnations».
De son côté, l’Union européenne a réagi au verdict ce jeudi, se disant «profondément préoccupée», et dénonçant «une nouvelle détérioration des libertés fondamentales» dans le territoire chinois. «Les accusés […] sont pénalisés pour leurs activités politiques pacifiques qui devraient être légitimes dans tout système politique respectant les principes démocratiques fondamentaux», a fustigé une porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE. Avant d’ajouter que leur détention provisoire prolongée et le refus de libération sous caution «sapent la confiance dans l’État de droit» à Hongkong.
Des arrestations massives
Sur le territoire, la répression de l’opposition se poursuit. Ces derniers jours, la police de Hongkong a annoncé l’arrestation de sept autres personnes pour avoir publié sur Facebook des «messages à caractère séditieux». Ces arrestations massives sont en lien avec la nouvelle loi sur la sécurité nationale, entrée en vigueur en mars. Le texte – qui inquiète notamment les Etats-Unis et l’Union européenne – prévoit des peines de prison pouvant aller jusqu’à la perpétuité pour cinq catégories de crimes, dont la trahison, l’insurrection, l’espionnage, le sabotage et l’ingérence extérieure.
Et ce n’est pas tout. La nouvelle loi supprime aussi les possibilités de réduction de peine d’un tiers pour bonne conduite pour les personnes condamnées au titre de la sécurité nationale, portant un coup aux 31 accusés qui ont choisi de plaider coupable avec l’espoir d’une libération anticipée. Face aux critiques, Pékin n’a pas tardé à réagir, exhortant ce jeudi les détracteurs internationaux de cette loi à «cesser immédiatement de s’ingérer dans les affaires de Hong Kong et dans les affaires intérieures de la Chine».
«J’espère que tout le monde continuera à se préoccuper de nos autres amis dans cette affaire», a pour sa part déclaré aux journalistes Lawrence Lau à sa sortie du tribunal, l’un des deux accusés reconnus non coupables ce jeudi. A l’extérieur du tribunal, la Ligue des sociaux-démocrates (LSD), l’une des dernières voix de l’opposition à Hong Kong, a tenté d’organiser une petite manifestation, en vain. Selon le militant Figo Chan, la présidente de la LSD, qui est aussi l’épouse de «Long Hair» Leung Kwok-hung, et trois autres personnes «ont été arrêtées alors qu’ils protestaient».