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Catastrophe naturelle

Séisme dans le Pacifique : comment se forment les tsunamis ?

De nombreux pays ont déclenché des alertes au raz-de-marée après un tremblement de terre de magnitude 8,8 survenu au large de la Russie, tôt ce mercredi 30 juillet.
Au centre de contrôle des opérations de l'Agence nationale de gestion des catastrophes, à Jakarta (Indonésie), ce mercredi 30 juillet. (Sutantaaditya/SIPA)
publié le 30 juillet 2025 à 10h52

Des alertes tsunami par dizaines. Un tremblement de terre survenu dans la nuit de mardi à mercredi 30 juillet, au large de la péninsule russe du Kamtchatka, a été évalué à une magnitude de 8,8 par l’Institut américain de géophysique, basé à Hawaï.

Ce séisme sous-marin a déjà entraîné un tsunami d’environ 1,30 mètre au Japon, l’évacuation des employés de la centrale de nucléaire de Fukushima - accidentée par un tsunami dévastateur en 2011 - et l’inondation d’une ville portuaire dans les îles Kouriles, entre la Russie et le Japon. Les autorités ont alerté de l’arrivée imminente de vagues de un à trois mètres dans plusieurs pays, comme aux Etats-Unis (Hawaï, Alaska), mais aussi en Amérique du Sud et dans les îles du Pacifique.

Comment se forme un tsunami ?

Lorsqu’un séisme a lieu sous l’océan, la roche sous-marine bouge et l’eau se trouvant au-dessus se soulève au-dessus du niveau de la mer, parfois sur plusieurs mètres de haut, et sur des centaines kilomètres de distance. «C’est lorsque ces masses d’eau se rééquilibrent que cela génère un tsunami», explique à Libération Quentin Bletery, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement au laboratoire Géoazur, de l’Université Côte d’Azur.

Si les spécialistes n’ont pas encore le détail exact de l’événement de ce mercredi, un séisme de cette magnitude peut soulever une quantité d’eau gigantesque, sur 300 kilomètres de long. «Si vous êtes dessus, au large, vous ne vous rendez pas forcément compte de ce qu’il se passe car c’est toute la zone qui s’élève», précise Quentin Bletery. «En plein océan, la vague est très allongée mais pas très haute. Ensuite, la vague se propage et ralentit près des côtes. Elle est moins allongée mais beaucoup plus haute», poursuit l’expert.

Quels risques pour les pays du Pacifique ?

L’amplitude de la vague diminue fortement avec la distance, assure Quentin Bletery. Ainsi, un petit séisme peut déclencher un tsunami sur les côtes les plus proches mais qu’on ne verra pas à l’autre bout de l’océan.

En revanche, lorsque le tremblement de terre atteint une magnitude telle que celle du Kamtchatka, les vagues peuvent monter jusqu’à 20 mètres à proximité et atteindre encore un mètre à l’autre bout de l’océan. «Ce n’est pas une vague classique, c’est tout la zone qui se soulève d’un mètre. C’est pour cela qu’il faut s’éloigner des côtes, au risque de se faire emporter», souligne Quentin Bletery.

Selon le chercheur, les vagues mettent environ 24 heures à traverser le Pacifique. Ainsi, «le tsunami du Kamtchatka devrait arriver un peu partout dans la journée, avec des dégâts limités», estime-t-il.

Comment fonctionnent les systèmes d’alerte ?

Le tremblement de terre en tant que tel génère des ondes sismiques dont les plus destructrices s’appellent «les ondes cisaillantes», qui se propagent en moyenne à 3,5 kilomètres par seconde. Des ondes plus rapides encore, mais qui font moins de dégâts, se déplacent à 7 km/s.

«Sur la base de ces premières ondes, les systèmes de détection estiment le plus rapidement possible la magnitude et la localisation de l’évènement pour pouvoir lancer une alerte avant que les autres ondes arrivent et ne détruisent tout», explique Quentin Bletery. De nombreux pays à risque sont équipés de ces systèmes qui délivrent automatiquement des messages sur les téléphones pour que la population se mette à l’abri. Cela génère aussi des procédures automatisées qui arrêtent les trains, les centrales nucléaires ou encore certaines usines et opérations chirurgicales.

«Pour l’alerte tsunami, c’est un petit peu différent parce qu’on a plus de temps. Le raz-de-marée met une à deux heures à arriver sur les côtes les plus proches, selon la distance avec l’épicentre du séisme», détaille Quentin Bletery. Mais les systèmes d’alerte sismiques ne savent pas faire la différence entre un tremblement de terre de magnitude 7 ou 9, car les instruments saturent. «Ça, c’est un gros problème parce qu’une telle différence de magnitude ne génère pas du tout la même ampleur de tsunami», note le spécialiste.

Sur cette question, la recherche est encore en cours, tout comme sur la prédiction. En effet, il n’y a pas de signaux précurseurs à un séisme, bien que certaines avancées scientifiques laissent un peu d’espoir : «la sensibilité de nos instruments n’est pas assez grande. Mais en développement d’autres techniques d’analyse ou avec l’intelligence artificielle, on pourrait arriver un jour à prévoir les séismes.»

Quels sont les autres déclencheurs ?

Si la majorité des raz-de-marée se produisent après un tremblement de terre, d’autres origines sont possibles : les glissements de terrain qui peuvent provoquer de gros tsunamis mais assez localisés, les éruptions volcaniques, comme aux Tonga en 2022, ou la chute d’un astéroïde dans l’eau, rarissime. De petits raz-de-marée peuvent aussi être provoqués par des phénomènes météorologiques, notamment de violents échanges thermiques qui entraînent des dépressions à l’origine de vents puissants.

Le 26 décembre 2004, les côtes d’une dizaine de pays d’Asie du Sud-Est avaient été ravagées par un tsunami qui avait fait 220 000 morts. La puissance du séisme à son origine était équivalente à environ 23 000 bombes atomiques comme celle d’Hiroshima, selon l’USGS. En mars 2011, le Japon avait été victime d’un tremblement de terre de magnitude 9 suivi d’un tsunami géant sur les côtes nord-est du pays, une catastrophe qui a fait quelque 20 000 morts et disparus.

Les raz-de-marée ne sont toutefois pas limités au Pacifique. L’Atlantique ou la Méditerranée peuvent aussi être touchés, des régions surveillées en France par le Centre national d’alerte aux tsunamis (Cenalt).

Mise à jour à 13 h 55 avec les explications du chercheur.