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Récit

Sous-marins : de l’affaire du siècle à la débâcle du siècle en cinq actes

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De Canberra à Paris, de Londres à Washington, en passant par Tokyo, Bangkok et Melbourne... «Libération» a interrogé de nombreuses sources pour révéler les coulisses du «contrat du siècle». Voici donc comment une relation franco-australienne faite d’ententes et de contrats, mais également de non-dits et d’aveuglements, de mensonges, de naïveté et de surprises surjouées, a viré au fiasco diplomatico-industriel.
Emmanuel Macron à bord du «Suffren» pour son lancement à Cherbourg, le 12 juillet 2019. (LUDOVIC MARIN/AFP)
par Arnaud Vaulerin, Pierre Alonso, Valentine Sabouraud, correspondante à Melbourne, Karyn Nishimura, correspondante à Tokyo, Carol Isoux et Laure Van Ruymbeke, intérim à Londres
publié le 1er octobre 2021 à 20h07

C’est encore la nuit à Paris quand tombe la nouvelle. «Historique et exceptionnel.» Les deux adjectifs sont au cœur d’un court communiqué que l’Elysée s’empresse de publier au milieu de la nuit du 26 avril 2016. Quelques instants plus tôt, à 15 000 kilomètres de Paris, le gouvernement australien de Malcolm Turnbull a sélectionné la société française DCNS comme «partenaire international privilégié pour la conception des 12 sous-marins du futur», de type Barracuda. Des submersibles à propulsion diesel puisqu’en 2009, «le gouvernement [australien] a exclu la propulsion nucléaire pour ces sous-marins», selon le Defense White Paper.

Le chef du gouvernement australien n’est alors pas avare en superlatifs : «Le projet de sous-marins du futur est l’acquisition de défense la plus importante et la plus complexe que l’Australie ait jamais entreprise. Il constituera un élément essentiel de notre capacité de défense jusqu’au milieu du siècle.» Turnbull se félicite de «créer une industrie australienne de construction navale durable […] pour investir dans l’innovation et la technologie et développer sa main-d’œuvre». Il souligne l’importance d’un tel contrat de 50 milliards de dollars australiens [34 milliards d’euros, ndlr] pour l’emploi : au moins 2 800 postes seront créés, notamment aux chantiers navals d’Adélaïd