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Escroqueries

SpaceX frappe un grand coup contre l’industrie des cyberarnaques en Birmanie

La société d’Elon Musk annonce avoir désactivé mercredi plus de 2 500 récepteurs internet Starlink, suspectés d’être utilisés dans des escroqueries. Dans la foulée, des centaines de personnes ont fui le KK Park, l’un des plus gros centres d’activités illégales du pays.

Au KK Park, l’un des plus gros centres d’activités de cyberarnaques de Birmanie, le 17 septembre 2025. ( Lillian Suwanrumpha/AFP)
Par
Axelle Caudevelle
Publié le 23/10/2025 à 8h59

La semaine dernière, l’Agence France presse révélait l’usage massif de terminaux Starlink dans des centres de cyberescroquerie en Birmanie. Mercredi 22 octobre, SpaceX a annoncé avoir désactivé plus de 2 500 de ces appareils suspectés d’être utilisés par des mafias chinoises dans des tentatives d’arnaques.

Ce matériel très performant, qui fonctionne grâce à des milliers de satellites placés en orbite par SpaceX, est utilisé pour contourner le blocage d’autres fournisseurs d’accès imposé par la Thaïlande, pays limitrophe des centres de cyberescroqueries. Peu après la désactivation, un journaliste de l’AFP a constaté la fuite de centaines de travailleurs du KK Park, l’un des principaux complexes situés le long de cette frontière.

Un pilier de l’économie de guerre birmane

Ces centres, disséminés dans la région du Triangle d’or, aux frontières entre la Chine, la Thaïlande et l’ouest de la Birmanie, prospèrent sur fond de délitement de l’Etat birman, ravagé par la guerre civile, et dont le territoire est contrôlé par diverses juntes militaires, qui prélèvent une rente en échange de la protection de ces sites. Ils sont installés dans des immeubles XXL qui poussent comme des champignons, et près de 100 000 travailleurs originaires d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient s’y affairent derrière leurs écrans. Leur tâche : tenter des fraudes aux cryptomonnaies, des vols de données ou des arnaques amoureuses.

Ces «cybercriminels» sont eux-mêmes en grande majorité des victimes du système. C’est le cas de Sun, rescapé d’un centre de Myawaddy, qui a raconté son calvaire à l’AFP : recruté via une fausse offre d’emploi puis séquestré, il était contraint de soutirer, sous une surveillance permanente, des milliers d’euros à des internautes à l’autre bout du monde, dans des conditions d’exploitation extrêmes, ponctuées de violences physiques et psychologiques.

Selon les estimations, ces escroqueries rapporteraient jusqu’à 15 milliards de dollars aux mafias d’Asie du Sud-Est, supplantant ainsi les revenus du trafic de drogue. Et le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur. En témoigne le succès fulgurant de Starlink qui, début février, n’enregistrait qu’un trafic marginal en Birmanie, insuffisant pour se hisser sur la liste des fournisseurs d’accès officiels. Depuis juillet, l’entreprise d’Elon Musk se classe quasiment chaque jour au premier rang des opérateurs Internet du pays.

Une «zone grise» des régulations internationales

Les autorités régionales, notamment la Chine, d’où provient la majorité des «employés» de ces centres, tentent de réagir. Depuis le début de l’année, le pays coordonne avec la Thaïlande des opérations de répression. La première, lancée en février, a permis l’extraction d’environ 7 000 travailleurs de ce système brutal. La dernière en date, le 17 octobre, a conduit à l’arrestation de plusieurs chefs et membres de gangs. Mais ces coups d’éclat peinent à enrayer le phénomène, tant les multinationales du crime profitent d’une zone grise du droit international, leurs activités restant hors de portée des autorités des pays des victimes.