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Contestation

Sri Lanka: le président démissionne, les manifestants évacuent les bâtiments occupés

Arrivé jeudi 14 juillet à Singapour, Gotabaya Rajapakse a remis sa démission. Si les protestataires ont évacué les lieux de pouvoir occupés ces derniers jours, ils maintiennent la pression pour une transition complète.
Des manifestants célèbrent l'annonce de la démission du président du Sri Lanka Gotabaya Rajapaksa à Colombo jeudi 14 juillet. (Adnan Abidi/REUTERS)
publié le 14 juillet 2022 à 18h10

La révolution sri-lankaise suit son cours, dans le calme, avec détermination et à un rythme soutenu. Cinq jours après avoir été contraint d’évacuer in extremis le palais présidentiel de Colombo, face à une foule de dizaines de milliers de protestataires réclamant son départ, le président contesté Gotabaya Rajapakse a fini par démissionner ce jeudi. La veille, il avait fui à bord d’un avion militaire pour les Maldives, avant d’embarquer jeudi matin dans un vol commercial pour Singapour, en compagnie de sa femme et de deux gardes du corps.

Peu après son arrivée dans la cité-Etat, il a envoyé sa démission par e-mail au président du Parlement, a indiqué jeudi soir un porte-parole du responsable parlementaire, Indunil Yapa. Selon la même source, la lettre de démission a été transmise au Procureur général du pays pour en examiner les aspects légaux avant d’être formellement acceptée. Gotabaya Rajapakse avait initialement promis de démissionner mercredi. Singapour, dont les autorités assurent qu’il se trouve en visite privée, ne sera vraisemblablement pas sa destination finale. Il pourrait, selon des sources locales, rejoindre les Emirats arabes unis.

Quelques heures avant l’annonce de cette démission, les manifestants ont commencé à évacuer les bâtiments publics occupés depuis plusieurs jours dans le centre-ville de Colombo. Des dizaines d’entre eux ont notamment quitté les bureaux du Premier ministre, alors que des forces de l’ordre armées y pénétraient à nouveau. «Nous nous retirons du palais présidentiel, du secrétariat présidentiel et des bureaux du Premier ministre avec effet immédiat, mais nous continuerons notre lutte», avait déclaré un peu plus tôt une porte-parole des manifestants.

Le Premier ministre, ultime cible

La police avait juste avant repoussé les manifestants qui tentaient de pénétrer dans le Parlement. La veille, la foule de contestataires avait envahi les bureaux du Premier ministre Ranil Wickremesinghe, ultime siège de l’exécutif encore aux mains du gouvernement, après la prise de la résidence officielle et du palais du Président, ainsi que de la résidence privée du chef du gouvernement. Au cours de l’assaut, globalement joyeux et pacifique, près de 85 personnes ont été blessées et un homme est mort asphyxié par les gaz lacrymogènes. Jeudi après-midi, les portes du bâtiment étaient à nouveau fermées et gardées par des hommes en armes.

En dépit de ce retrait des lieux officiels, les manifestants, très remontés contre le pouvoir en raison de la crise économique sans précédent qui frappe le pays et cause une inflation galopante et de graves pénuries, entendent maintenir la pression. Et réclament désormais aussi la démission du Premier ministre. «Ranil a été le protecteur de Gotabaya Rajapakse, expliquait mercredi un manifestant à l’envoyé spécial de Libération. Il a accepté de travailler avec lui alors que tout le monde demandait le départ des Rajapakse. Et depuis deux mois qu’il est à ce poste, rien ne s’est amélioré, la crise ne fait qu’empirer.»

«Je suis venu car j’ai un enfant et que je veux qu’il ait un avenir. Je veux un Sri Lanka débarrassé de ces politiciens corrompus, confiait de son côté Prabhat, fonctionnaire du ministère de la Défense, l’air stoïque. Je soutiens ce que font ces manifestants car ces dirigeants ont eu du temps pour agir, mais ils n’ont rien fait. Maintenant, nous n’avons plus le choix, nous devons utiliser ces méthodes.»

Jeudi, l’armée et la police ont reçu de nouveaux ordres pour réprimer fermement toute violence, et averti les fauteurs de troubles qu’ils étaient «légitimement habilités à exercer leur force». Pas de quoi effrayer Chirath Chathuranga Jayalath, un étudiant de 26 ans interrogé par l’AFP : «Vous ne pouvez pas arrêter ces manifestations en tuant des gens. Ils nous tireront dans la tête, mais nous faisons ça avec notre cœur.»