Prix Hostwriter
Cette enquête en deux volets de Guillaume Pajot, collaborateur du journal depuis plus de dix ans, a reçu le prix Hostwriter Story 2022. Soucieux de «surmonter les préjugés nationaux», le réseau Hostwriter est un réseau ouvert qui aide les journalistes à collaborer facilement au-delà des frontières. Pendant cinq mois, Guillaume Pajot a d'ailleurs travaillé en équipe avec Rudi Bressa et Sarah Tekath pour cette enquête qui a reçu le soutien de Oxpeckers Investigative Environmental Journalism et de la bourse #IJ4EU.
Lattes de pont pour bateau, lames de terrasse ou de parquet, chaises de jardin… Une quinzaine d’entreprises françaises commercialisent ou proposent du teck de Birmanie. «Le plus beau des tecks, résume un commerçant sur son site Internet, et forcément son prix s’en ressent.» Libération a contacté ces sociétés pour connaître l’origine de leurs approvisionnements, mais rares sont celles à avoir donné suite. «Il faut bien que je finisse d’écouler mon stock», se justifie un vendeur de parquet. D’autres préfèrent retirer discrètement la référence de leur catalogue.
Décryptage
Les importateurs français sont rares. Dès 2018, le Commerce du bois, qui réunit les entreprises du négoce national et international du secteur, avait averti ses 125 adhérents que l’approvisionnement en bois de Birmanie n’était pas autorisé. «Le risque d’illégalité était déjà trop grand», justifie Alessandra Negri, la responsable marchés et environnement de l’association.
Des alternatives existent
Les sanctions contre Myanma Timber Enterprise, prises en juin par l’Union européenne, semblent avoir eu un effet plus dissuasif que le règlement européen. «Les chantiers ont cessé de passer commande», affirme Maud Dugourd, secrétaire générale de la Fédération des industries nautiques. Un ancien importateur de bois birman décrit même «un marché français en déclin, voué à disparaître». D’autant que des alternatives existent, comme le teck de plantation ou le teck synthétique à base de plastique.
Une entreprise française, Directeck, s’est longtemps présentée comme «spécialiste du teck de Birmanie». Elle importait son bois, des avivés ou des lattes de pont, par l’intermédiaire d’une firme locale. Contacté par Libération, son propriétaire n’a pas souhaité répondre à nos questions. Mais, quelques jours plus tard, il annonçait dans un communiqué que Directeck avait «stoppé toutes ses commandes en Birmanie» et devenait «spécialiste du teck d’Asie». La société promettait néanmoins de reprendre ses approvisionnements birmans «dès que la situation sera propice». Comme si elle l’avait jamais été.