Les forces de sécurité pakistanaises ont mis fin ce mercredi 12 mars à une vaste prise d’otages par des séparatistes dans un train, qui a fait des dizaines de morts. Au total, 346 des passagers aux mains de combattants de l’Armée de libération du Baloutchistan (BLA) depuis mardi dans cette province du sud-ouest du Pakistan ont été libérés au terme de 30 heures d’affrontements, a annoncé un officier de haut rang ayant requis l’anonymat. Vingt-sept soldats eux aussi faits prisonniers dans le Jaffar Express par ces séparatistes ont été tués, a-t-il ajouté. «Les opérations sont terminées, le site a été ratissé et tous les otages (encore en vie) ont été libérés», a conclu ce gradé.
Et, si aucun bilan officiel n’a été donné à la suite de cette attaque, d’une ampleur inédite, les otages racontent avoir vu nombre d’entre eux être abattus par leurs ravisseurs. Mardi, la mort du conducteur du train avait été annoncée, de même que celle d’un soldat et d’un policier. Un paramilitaire ayant participé aux combats contre les preneurs d’otages a également perdu la vie, a souligné l’officier, selon lequel de «32 à 35» membres de la BLA ont en outre péri. Les chemins de fer locaux avaient annoncé mardi que 450 personnes étaient montées à bord de ce train. «168 otages ont été libérés mardi et 178 mercredi», a précisé le gradé ayant requis l’anonymat.
Le Pakistan vivait depuis mardi 13 heures au rythme des informations parcellaires données par des responsables sur la prise d’otages. Tout a commencé quand le Jaffar Express, parti de Quetta (la capitale du Baloutchistan), aux confins du Pakistan, de l’Iran et de l’Afghanistan, et censé rallier Peshawar, la capitale de la province voisine plus au nord, a été pris d’assaut à l’entrée d’un tunnel près de la ville de Sibi. Là, une bombe a explosé, endommageant les rails et donnant le coup d’envoi de l’attaque de l’Armée de libération du Baloutchistan (BLA), principal groupe séparatiste de cette province riche en hydrocarbures et en minerais – elle est pourtant la plus pauvre du Pakistan. Avec cette attaque, un nouveau palier a été franchi dans le violent bras de fer entre la BLA et les forces de sécurité pakistanaises.
«Kamikazes au milieu des otages innocents»
Depuis, les échanges de tirs n’ont jamais cessé. La confusion régnait sur le sort de centaines de passagers, la nuit ayant un peu plus compliqué la situation, précisait des responsables policiers locaux. «Nous disposons d’informations qui laissent penser que des assaillants se sont enfuis, emportant avec eux un nombre indéterminé d’otages vers les zones montagneuses des environs», a relaté un responsable des services de sécurité locaux. La BLA, elle, disait vouloir échanger des otages contre des prisonniers baloutches.
L’«opération à large échelle», qui «est prévue dans la matinée», vise à «sauver les otages à bord du train», mais aussi «ceux emmenés ailleurs dans la région», a annoncé un second responsable. Néanmoins, la progression des troupes était ralentie par le fait que «des kamikazes se sont positionnés avec leurs ceintures d’explosifs au milieu des otages innocents».
Des passagers libérés ont raconté avoir été relâchés par les combattants baloutches et avoir ensuite marché durant des heures dans la région montagneuse pour atteindre la prochaine gare, d’où un train de fret les a conduits vers Mach. De là, ils auraient été convoyés par bus vers Quetta, «sous haute sécurité».
Pendjabis visés
Alors que les autorités verrouillent les accès à cette province qui abrite de nombreux chantiers – principalement chinois – dans l’énergie et les transports, la BLA revendique régulièrement des attaques meurtrières – souvent menées par des kamikazes – contre les forces de l’ordre et les Pakistanais originaires d’autres provinces. Elle les accuse, au même titre que les investisseurs étrangers, de piller la province et de marginaliser sa population baloutche.
Mardi soir, un otage libéré a raconté que les assaillants avaient «vérifié les papiers d’identité» des passagers et «mis à l’écart ceux qui étaient originaires du Pendjab», perçus comme dominant les rangs de l’armée, engagée dans la bataille contre les séparatistes. En février, le groupe séparatiste avait déjà revendiqué avoir tué sept Pendjabis. Accusés d’agir pour le compte de l’armée, ils avaient été sortis d’un car de voyageurs puis fusillés. En août, des combattants de la BLA avaient tué 39 personnes en usant du même procédé, notamment en vérifiant les cartes d’identité des passagers sur différentes routes avant de les abattre s’ils étaient pendjabis. Début novembre, la BLA avait également posé une bombe sur un quai de la gare de Quetta et tué 26 personnes, dont 14 soldats.
Le Pakistan connaît une recrudescence d’attaques, en particulier d’islamistes et de séparatistes, principalement au Baloutchistan et dans le Khyber-Pakhtunkhwa, qui borde également l’Afghanistan. Le Centre pour la recherche et les études sur la sécurité d’Islamabad estime que l’année 2024 a été la plus meurtrière en près d’une décennie avec plus de 1 600 personnes ayant péri dans des attaques, dont 685 membres des forces de sécurité.
Mise à jour : à 20 heures, avec la libération de tous les otages.