Elle parle lentement en évitant de croiser notre regard, et prend régulièrement de longues respirations pour maîtriser l’émotion qui la saisit à certains moments de son récit. «C’était le 1er mars 2018. Il était six heures et demie du matin : j’ai ouvert la porte, et des policiers m’ont dit de venir avec eux.» Ulnur Bozhykhan est très élégante dans son blazer vert vif, une chaîne en or qui pend à son cou, délicatement maquillée. Elle dépareille avec la minuscule salle aux murs décrépis, cachée au fond d’un couloir d’un immeuble de bureau à Almaty, dans l’est du Kazakhstan. L’histoire qu’elle raconte, avec une précision glaçante, jour par jour, est un sentier qui s’enfonce toujours plus profondément dans l’enfer.
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Elle est née en juin 1988 dans le village de Kensu, dans la région chinoise du Xinjiang où un génocide est toujours en cours. De mars à septembre 2018, Ulnur Bozhykhan a été enfermée dans les mêmes «camps de rééducation» que les Ouïghours, et y a subi les mêmes horreurs. S’exprimer publiquement est pour elle un risque, mais peut-être aussi une forme de protection : elle pense que si elle a pu sortir de prison, c’est grâce à une vidéo de son frère diffusée sur la chaîne YouTube de Serikjan Bilash, un activiste kazakh qui a été contraint de s’exiler aux Etats-Unis.
Empreintes et pupilles
Son association, Nagyz A