Echange de cajoleries à l’orée d’une visite d’Etat. Comme prévu, Vladimir Poutine a entamé ce mardi 18 juin 2024 une visite de deux jours en Corée du Nord, pour sceller son entente et une coopération stratégique avec Kim Jong-un. Avant de s’envoler pour Pyongyang, décoré pour l’occasion aux couleurs de la Russie, le président russe s’est fendu d’une tribune, publiée dans la presse nord-coréenne et sur le site du Kremlin, vantant la relation entre les deux pays. «Aujourd’hui comme hier, la Russie et la République populaire démocratique de Corée développent activement un partenariat à multiples facettes. Nous apprécions grandement le soutien ferme de la Corée du Nord à l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, sa solidarité avec nous sur les questions internationales clés et sa volonté de défendre des priorités et des points de vue communs sur la plateforme des Nations unies», a écrit Poutine dans le quotidien officiel nord-coréen Rodong Sinmun.
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«Pyongyang, accueillant l’ami le plus cher d’un pays voisin, est rempli d’une atmosphère de joie et d’allégresse. Notre peuple accueille chaleureusement le président Vladimir Poutine, répond l’édito élogieux du média. L’opération militaire spéciale en Ukraine est une guerre sainte visant à protéger les droits souverains et la dignité de l’Etat ainsi que ses intérêts en matière de développement.» Le décor est planté. Vladimir Poutine et Kim Jong-un vont pouvoir mettre sur papier et étaler ouvertement l’interdépendance entre les deux pays, qui s’est intensifiée ces dernières années, notamment depuis l’invasion de l’Ukraine.
Missiles à courte portée nord-coréens envoyés sur Kharkiv
Cette visite, précédée d’incidents à la frontière intercoréenne, «montre à quel point le président Poutine et Moscou sont désormais dépendants des pays autoritaires du monde entier. Leurs amis les plus proches et les plus grands soutiens de l’effort de guerre russe – la guerre d’agression – sont la Corée du Nord, l’Iran et la Chine», a commenté lundi le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, soulignant que la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, désormais «viole les sanctions» imposées à la Corée du Nord.
Soumise elle aussi à des sanctions qui vont durcissant, Moscou, qui n’a plus grand-chose à perdre de ce côté-là, semble-t-il, est en quête de nouveaux partenaires, pour soutenir son effort de guerre dans une offensive qui s’éternise. «La Corée du Nord s’est avérée être un partenaire idéal, note Ilya Abishev, spécialiste militaire du service russe de la BBC. Tout d’abord, son économie hautement militarisée lui a permis de constituer l’un des plus grands arsenaux d’obus et de missiles au monde, ce qui est exactement ce dont l’armée russe a le plus besoin. Deuxièmement, de nombreuses armes nord-coréennes ont été développées sur la base d’anciennes armes soviétiques, utilisent les mêmes calibres et sont donc compatibles avec les armes russes modernes.» Les premiers missiles à courte portée nord-coréens ont été envoyés sur Kharkiv en janvier, assurent les Américains. En échange, la Russie a fourni à la Corée du Nord son expertise pour son programme de satellites et a envoyé de l’aide pour faire face aux pénuries alimentaires du pays.
«Une nouvelle étape dans la création d’un nouvel ordre mondial»
Ce rapprochement accéléré entre Moscou et Pyongyang inquiète les Occidentaux. «Ce qui nous préoccupe, c’est l’approfondissement de la relation entre ces deux pays, pas seulement à cause de l’impact que cela aura sur le peuple ukrainien […] mais aussi parce qu’il pourrait y avoir une certaine réciprocité qui pourrait affecter la sécurité de la péninsule coréenne», a dit le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.
«L’intensification des contacts entre Moscou et Pyongyang marque une nouvelle étape dans la création d’un nouvel ordre mondial», note de son côté Konstantin Asmolov, du Centre d’études coréennes de l’Institut de la Chine et de l’Asie moderne de l’Académie des sciences de Russie, cité par l’agence Tass. Le chercheur voit dans le traité de partenariat stratégique, et le renforcement d’un triangle Moscou-Pékin-Pyongyang, une réponse aux Etats-Unis, Japon et Corée du Sud, qui s’orientent vers la création d’une «Otan asiatique».