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Libération
Al-Shabab

Au Mozambique, une centaine d’enfants enlevés et armés par les jihadistes

Dans le nord du Mozambique, le groupe armé lié à l’État islamique Al-Shabab enlève des garçons et les utilise pour combattre les forces gouvernementales et attaquer les villages.
Dans la région du Cabo Delgado, dans le nord-est du Mozambique. Portrait d'un homme qui a réchappé de justesse aux insurgés Al-Shababs, ces derniers ayant failli le tuer plusieurs fois. Il raconte que ses ravisseurs étaient jeunes et tentaient de convaincre les autres enfants de rejoindre leurs rangs. Le 23 avril 2021. (chris huby/Le Pictorium)
publié le 29 septembre 2021 à 18h04

Le règne de la terreur continue. Depuis son installation en 2017, le groupe jihadiste Al-Shabab a enlevé une centaine d’enfants au Mozambique a déclaré mercredi l’ONG Human Rights Watch. Arrachés à leurs familles, les très jeunes adolescents – certains n’ont que 12 ans, sont emmenés dans des camps d’entraînement pour devenir des combattants et grossir les rangs jihadistes.

L’ONG a récolté plusieurs témoignages concordants de parents et d’un ancien enfant-soldat. «Nous avons rejoint d’autres hommes et garçons, nombreux, et on nous a appris comment utiliser des armes et des couteaux pour nous battre», a déclaré le jeune homme, affirmant avoir été enlevé par les jihadistes en 2020 à Mbau, dans le nord-est du pays. «Ils nous ont dit que nous devions tuer et nous battre pour notre terre et pour protéger notre religion», a détaillé le garçon qui explique avoir réussi à s’enfuir.

«Je les ai suppliés à genoux de m’emmener à la place»

En mars, une attaque d’ampleur sur la ville portuaire de Palma a fait des dizaines de morts. Selon un habitant, c’est lors de ce raid que des jihadistes ont enlevé son fils de 17 ans. «J’ai supplié à genoux les Mashababos (le nom local d’Al-Shabab, ndlr) de m’emmener à la place. L’un des hommes a frappé ma femme à la tête avec un AK-47, tandis qu’un autre menaçait de tous nous tuer si nous ne laissions pas le garçon partir

Cette mère a revu son fils deux mois après l’attaque. «J’étais cachée à l’intérieur de la maison quand j’ai entendu sa voix», a-t-elle relaté à Human Rights Watch. «Je l’ai vu avec une douzaine d’autres garçons, tous portaient des pantalons de camouflage et un bandeau rouge autour de la tête.» D’autres parents ont vu leurs fils brandir des armes lorsqu’ils sont revenus avec des combattants pour attaquer leur village.

L’organisation humanitaire Save the Children estimait en juin que des groupes armés non étatiques de la région avaient enlevé au moins 51 enfants au cours de l’année, des filles pour la plupart. Trois femmes, échappées d’une base jihadiste ont, elles, affirmé à l’association de défense des droits humains qu’il y avait «des centaines de garçons» dans les rangs du groupe. «Ils se comportent comme des hommes adultes, allant même jusqu’à choisir des ‘épouses’parmi les filles kidnappées.»

Le groupe Al-Shabab s’est installé dans la province de Cabo Delgado, dans le nord-est du Mozambique en 2017. La région, à la frontière de la Tanzanie, est très riche en gaz naturel : Total y a d’ailleurs développé un méga projet d’usine. Pourtant, la population locale, majoritairement musulmane, ne tire aucun bénéfice de ces richesses et reste très pauvre.

A ce jour, le conflit avec les jihadistes a tué 3 300 personnes dont une majorité de civils, selon l’ONG Acled. Plus de 800 000 personnes ont été forcées de quitter leur foyer pour fuir les exactions. Le Rwanda a été le premier pays africain à mobiliser des troupes, mille soldats en juillet, pour aider l’armée mozambicaine. De con côté, l’Afrique du Sud a envoyé 1 500 soldats pour venir en aide à son voisin du nord.