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Libération
Terrorisme

Au Pakistan, un double attentat endeuille le pays

Deux attaques-suicides non revendiquées ont frappé des mosquées, faisant au moins 56 victimes. Les attentats sont courants dans la région depuis l’arrivée au pouvoir des talibans afghans, soutenus par Islamabad.
Des proches d'une victime de l'attentat de Bastung, le 29 septembre. (Banaras Khan/AFP)
publié le 29 septembre 2023 à 18h54

Même dans un pays, le Pakistan, et une région, le Baloutchistan, coutumiers des attentats, celui qui a visé vendredi une procession est particulièrement grave. Au moins 52 personnes tuées et plus de 70 blessées, selon un bilan des autorités locales à la mi-journée, qui restait provisoire. Les victimes s’étaient rassemblées juste à côté d’une mosquée du district de Mastung pour fêter l’anniversaire de la naissance du prophète Mahomet lorsqu’un kamikaze, selon les autorités, s’est fait exploser. Sur l’une des premières vidéos diffusées après l’attaque, on distingue des chaussures abandonnées et des corps recouverts de couvertures.

Quelques heures plus tard, une autre explosion visait cette fois une mosquée du district de Hangu, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, dans le nord-ouest du pays : au moins quatre morts et des dizaines de blessés. Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd, mais des gardes ont réussi à retarder les deux kamikazes qui tentaient de pénétrer dans le bâtiment. Une majorité des fidèles en a profité pour s’échapper.

Groupes jihadistes et séparatistes

Aucune des deux attaques n’avait été revendiquée à la mi-journée. Les talibans pakistanais du TTP (Tehrik e-Taliban Pakistan), qui ont relancé leurs attentats depuis que les talibans afghans, leurs alliés, ont repris le pouvoir, ont nié toute implication dans l’attentat au Baloutchistan.

La région du sud-ouest est l’une des plus instables du pays, avec des attaques, des assassinats et des enlèvements récurrents. Deux groupes séparatistes y sont implantés : le Front de libération du Baloutchistan et l’Armée de libération du Baloutchistan, qui visent principalement les forces de sécurité. D’autres groupes, jihadistes ceux-là, sont aussi présents. Parmi eux, les talibans pakistanais du TTP. Ils ne sont pas formellement alliés avec les séparatistes, mais ils évitent de se critiquer. «En réalité, le TTP leur propose sans cesse de coopérer dans leur lutte commune contre le gouvernement», note un rapport de la Fondation Jamestown de juillet 2023.

Deuil national

Le Balouchistan a aussi longtemps été terre d’accueil du Lashkar-e-Jhangvi, une organisation qui vise les chiites. Les forces de sécurité pakistanaises ont traqué et éliminé plusieurs de ses dirigeants. Les combattants, eux, ont souvent rejoint d’autres formations, dont l’Etat islamique au Khorassan (EI-K), le nom que s’est donné Daech dans la région, où il est apparu en 2014 en agrégeant des jihadistes venus de groupes talibans et d’Al-Qaïda. Les scissions et rapprochements étant courants dans le monde jihadiste pakistanais, il a donné naissance à une émanation qui a proclamé son indépendance : l’Etat islamique au Pakistan, qui commet en général des attaques de moindre envergure.

La violence de l’attaque de vendredi, pour laquelle l’EI-K fait figure de premier suspect, a poussé le gouvernement à décréter un deuil national de trois jours. Elle montre aussi le délitement sécuritaire du pays, où les attentats se multiplient depuis que les talibans afghans, soutenus par Islamabad, ont repris Kaboul en août 2021. Le gouvernement, formé de technocrates, n’est qu’intérimaire. Il a été nommé après la dissolution du Parlement en août et l’arrestation de l’ancien Premier ministre Imran Khan, désormais poursuivi dans plus de 200 affaires. Les élections législatives, qui auraient dû avoir lieu dans les trois mois suivants, ont été reportées à la fin janvier 2024.