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Féminisme

Au Vietnam, pour les femmes, des lois progressistes mais des vies sous contrôle

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Tous les 20 octobre, le pays célèbre la «Journée des femmes vietnamiennes». Derrière les bouquets, les discours et les avancées juridiques, elles restent nombreuses à vivre sous le poids des traditions et d’un patriarcat tenace.

«Mon rêve serait d'avoir un terrain, une maison bien à moi», raconte Diêu Hà, ici accompagnée de sa famille. (Jean-Pierre Fage)
Par
Jean-Pierre Fage (envoyé spécial dans le Mékong)
Publié le 18/10/2025 à 15h51

Dans un bar branché de Hanoï, Minh et ses amies rient aux éclats. Diplômée de la meilleure université d’économie, certifiée en anglais, la jeune femme travaille comme marketing manager dans une entreprise étrangère. A 22 ans, elle incarne une jeunesse vietnamienne moderne promise à la réussite. Le micro circule, la soirée karaoké bat son plein. Soudain, son téléphone s’allume : sa mère l’appelle. Il est 22 heures, Minh doit rentrer.

Elle invoque une «urgence au travail» et s’éclipse, gênée : «Tous les soirs, j’ai un couvre-feu. Cette pression familiale, c’est l’un des plus grands freins de ma vie. Mes parents veulent que je suive le modèle imposé : réussir mes études, m’occuper de la maison et me marier avant 25 ans.» Minh vit toujours chez ses parents : chaque jour, elle cuisine, nettoie, s’occupe de sa grand-mère. Des tâches «étouffantes», dit-elle. «Un jour, j’avais un entretien d’embauche important. Mais le repas n’était pas prêt. Je suis rentrée de moi-même : je savais que mon père ne ferait rien et que ma mère, déjà épuisée, ne pourrait pas tout assumer seule.»

«Etre une bonne épouse»

Pour la sociologue Khuat Thu Hong, directrice de l’Institut d’études sur le développement social (ISDS), le cas de Minh est loin d’être isolé, surtout à Hanoï, une ville «plus attachée aux valeurs traditionnelles que dans le Sud». Les ambitions progressistes de la Constitution adoptée en 1946,