La visite mardi et mercredi de Benyamin Nétanyahou à Washington promettait d’être tendue. Elle sera encore plus compliquée pour le Premier ministre israélien depuis l’annonce, dimanche, du retrait du président américain, Joe Biden, de la course à la présidentielle. Les deux dirigeants ne s’apprécient pas. Ces derniers mois, l’administration Biden a multiplié les critiques contre le gouvernement israélien sur sa façon de mener la guerre à Gaza qui a tué plus de 39 000 Palestiniens, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas. Elle a réclamé en vain que les civils palestiniens soient protégés et que l’aide humanitaire puisse être acheminée en quantité suffisante. Elle s’inquiète aussi ouvertement de l’absence de stratégie pour l’après-guerre.
Mais depuis dimanche, Nétanyahou doit gérer une incertitude supplémentaire : qui remplacera Biden comme candidat démocrate à l’élection présidentielle ? Juste avant son départ, lundi, pour les Etats-Unis, il s’est montré prudent. «Je dirai à mes amis des deux bords que, quel que soit le prochain président choisi par le peuple américain, qu’Israël reste l’allié solide et indispensable des Etats-Unis au Moyen-Orient», a-t-il déclaré.
La rencontre avec Joe Biden à la Maison Blanche devrait se tenir mardi, et non lundi comme prévu, le président américain se remettant du Covid. Nétanyahou devrait aussi s’entretenir avec la vice-présidente, Kamala Harris, candidate à l’investiture démocrate. Il n’était pas clair, lundi, s’il allait rencontrer ou non Donald Trump. Si une telle réunion avait lieu, il serait accusé par ses détracteurs de prendre parti pour les républicains, qui affirment de leur côté être les seuls véritables soutiens d’Israël face à des démocrates timorés. Une absence de rencontre pourrait à l’inverse irriter Trump.
Boycott de son intervention
Nétanyahou doit enfin prononcer mercredi un discours devant le Congrès, son quatrième, un record pour un dirigeant étranger, et le premier depuis 2015, lorsqu’il avait attaqué l’accord sur le nucléaire iranien de l’administration Obama. Il devrait cette fois ménager le pouvoir en place, qui continue à lui livrer des armes et reste son premier allié.
Mais il est loin de n’y avoir que des soutiens. Selon le site Axios, une centaine d’élus démocrates pourraient boycotter son intervention pour afficher leur rejet de la manière dont la guerre à Gaza est menée depuis le 7 Octobre et les attaques du Hamas. En mars, leur chef au Sénat, Chuck Schumer, lui-même de confession juive, avait appelé à l’organisation d’élections en Israël et qualifié Nétanyahou «d’obstacle pour la paix». «Une coalition menée par lui ne correspond plus aux besoins d’Israël après le 7 Octobre, avait-il affirmé lors d’un discours devant le Sénat. Je pense que le Premier ministre Nétanyahou s’est égaré, laissant sa survie politique passer avant l’intérêt supérieur d’Israël.»
L’administration Biden devrait donc pousser le dirigeant israélien à signer un accord de cessez-le-feu en échange de la libération des otages toujours détenus à Gaza. Sur les 251 personnes enlevées le 7 Octobre, 116 seraient encore dans l’enclave, dont 42 seraient mortes, selon les autorités israéliennes.
Reprise des discussions
Les discussions, avec une médiation des Etats-Unis, de l’Egypte et du Qatar, ont repris début juillet. Selon le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, Israël et le Hamas ont accepté l’accord-cadre présenté par Joe Biden et s’approchent de «la ligne d’arrivée». «Ce qui sera important lorsqu’on l’aura [un cessez-le-feu], ce sera de s’assurer qu’il y a un plan clair pour l’après, a-t-il déclaré vendredi. Ce dont on ne veut pas, c’est un accord suivi d’une sorte de vide [qui finira par être rempli] soit par un retour du Hamas, ce qui est inacceptable, soit par la prolongation par Israël de l’occupation, ce qui […] est inacceptable.»
Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a estimé de son côté que «les conditions ont été créées» et qu’«une occasion limitée dans le temps se présente pour établir un cadre en vue de la libération des otages». Dimanche, Nétanyahou a annoncé qu’une délégation serait envoyée jeudi pour poursuivre les négociations, sans préciser où. Ces dernières semaines, les discussions ont alterné entre Le Caire (Egypte) et Doha (Qatar).
La pression s’exerce aussi via les familles d’otages. Depuis plusieurs jours, elles réclamaient la signature d’un accord avant la visite de Nétanyahou à Washington. Plusieurs d’entre elles l’accusent de refuser un tel deal pour éviter de perdre le soutien des formations extrémistes, ce qui provoquerait la chute de son gouvernement et la tenue de nouvelles élections pour lesquelles les sondages le donnent perdant. Dans un discours mercredi devant la Knesset, Nétanyahou s’était dit favorable à accentuer la pression militaire sur le Hamas pour le forcer à accepter davantage de concessions lors des négociations.
Lundi, alors qu’il s’envolait pour Washington, l’armée israélienne a ordonné à une partie des habitants de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, d’évacuer avant «une opération intensive».