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Justice

Blaise Compaoré, condamné à la perpétuité par contumace, «demande pardon» à la famille de Thomas Sankara

L’ancien dirigeant du Burkina Faso a présenté ses excuses pour l’assassinat de son prédécesseur, quelques mois après le verdict de son procès qui l’a condamné à perpétuité.
Blaise Compaoré à Ouagadougou le 8 juillet. (Olympia de Maismont /AFP)
publié le 26 juillet 2022 à 18h22

Blaise Compaoré, ancien président burkinabé, a brillé par son absence à son propre procès, celui, historique, qui l’a condamné par contumace à la prison à perpétuité le 6 avril, pour l’assassinat de son prédécesseur, ami et frère d’armes, Thomas Sankara. Mardi 26 juillet, il a présenté ses excuses à la famille de la victime, par l’intermédiaire du porte-parole du gouvernement Lionel Bilgo. «Je demande pardon au peuple burkinabé pour tous les actes que j’ai pu commettre durant ce magistère et plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Sankara.»

Chassé du pouvoir en 2014 par une révolution populaire après vingt-sept ans à la tête du Burkina Faso, Blaise Compaoré a effectué un court séjour à Ouagadougou début juillet, afin de rencontrer d’anciens chefs de l’Etat sur l’invitation du nouvel homme fort du pays depuis le coup d’Etat du 24 janvier, le lieutenant colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. L’objectif de cette réunion était officiellement d’«accélérer la réconciliation nationale» face aux attaques jihadistes qui frappent le pays depuis 2015. Blaise Compaoré avait d’ailleurs appelé «au dépassement des clivages politiques, générationnels, ethniques, religieux et autres croyances traditionnelles» afin de «rebâtir ensemble les fondements du pays dans un sursaut patriotique». L’ancien chef d’Etat revenait au Burkina Faso pour la première fois après un exil de huit ans en Côte d’Ivoire, où il réside désormais. Ses sympathisants y ont vu de «véritables espoirs de paix», tandis que ses détracteurs demandaient son arrestation et la mise en application de sa peine.

Un procès pour l’histoire

Le 6 avril, au terme d’un procès de six mois commencé le 11 octobre 2021, Blaise Compaoré, le commanditaire, son fidèle officier Gilbert Diendéré déjà incarcéré et Hyacinthe Kafando, l’exécutant en fuite, «les trois hommes cardinaux de cette affaire» selon l’avocat des parties civiles Me Farama , écopaient d’une peine de prison à vie pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré étaient également soupçonnés de «complicité d’assassinat», Hyacinthe Kafando «d’assassinat». Ils ont tous les trois été reconnus coupables d’avoir exécuté le leader de la révolution, Thomas Sankara, en 1987. Un verdict historique pour la défense des parties civiles, même si l’autre avocat des parties civiles Me Nzepa a regretté que ce procès n’écrive «l’histoire qu’en pointillé».

Les audiences ont néanmoins permis de reconstituer la trame des événements dans une version qui fait consensus. Un jeudi de 1987, un commando, composé d’éléments de la garde rapprochée de Blaise Compaoré, quitte le domicile de ce dernier, avant d’entrer au Conseil de l’entente, siège du pouvoir. Tout juste arrivé, Thomas Sankara, en survêtement rouge, vient de garer sa voiture et s’apprête à diriger une réunion sur la création d’un «parti unique d’avant-garde», son pistolet automatique posé sur son bureau. Durant une dizaine de minutes, des tirs retentissent sans interruption. Sept impacts de balles tirés par des kalachnikovs sont identifiés sur les vêtements de l’ancien président. Jusqu’à présent, toutes les tentatives de coups d’Etat visant le leader révolutionnaire avaient réussi à être déjouées. Le 15 octobre 1987, deux forces réputées fidèles à Sankara, l’Escadron de transport et d’intervention rapide (Etir) et la Force d’intervention du ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité (Fimats) sont neutralisées, au profit de militaires issus du centre d’entraînement commando dirigé par Blaise Compaoré. Il restera ensuite vingt-sept ans à la tête du pays, avant d’être chassé par une insurrection populaire les 30 et 31 octobre 2014. Tout juste déchu, Blaise Compaoré prend alors la fuite à bord d’un hélicoptère de l’armée française.