Boualem Sansal en détention. L’écrivain franco-algérien, arrêté en Algérie, a été entendu par le parquet antiterroriste d’Alger et placé sous mandat de dépôt, a annoncé mardi son avocat François Zimeray dans un communiqué envoyé à l’AFP. Boualem Sansal, «qui s’était rendu à Alger en confiance, est aujourd’hui placé en détention en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien qui réprime l’ensemble des atteintes à la sûreté de l’Etat. [...] La privation de liberté d’un écrivain de 80 ans à raison de ses écrits est un acte grave», «quelles que soient les blessures invoquées et les sensibilités heurtées», a observé l’avocat.
Selon le Monde, l’écrivain, «en bonne santé» selon une source judiciaire, est accusé d’«atteinte à l’intégrité du territoire national», que le code pénal algérien assimile à un acte de «terrorisme».
Une audition qui intervient après les revirements de la journée de lundi, où l’avocat, mandaté par les éditions Gallimard, avait affirmé en début de journée sur RTL que l’auteur devait voir un procureur dans la journée : «Ce que je sais aujourd’hui, enfin ce que je crois savoir d’après les informations qui m’ont été transmises, c’est qu’il sera présenté au parquet cet après-midi.» Et de concéder le contraire plus tard dans la soirée au micro de BFM : «Il n’y a pas eu de comparution aujourd’hui.»
Plusieurs médias s’accordent pour dire que Boualem Sansal aurait été arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger, en provenance de France. L’agence gouvernementale algérienne a confirmé vendredi 22 novembre son arrestation, sans préciser la date. Sur RTL, François Zimeray a précisé n’avoir «aucune nouvelle précise» sur l’état ou les conditions de détention de l’écrivain de 75 ans, en lutte contre le fondamentalisme religieux et l’autoritarisme.
«Un irritant de plus dans la relation franco-algérienne»
«Jusqu’à présent, il n’a pas eu accès à une défense, avait souligné le défenseur. Un avocat devrait lui être désigné par le bâtonnier d’Alger avec qui je me suis entretenu hier.» Le conseil de Boualem Sansal a appelé à «un procès équitable» et à ce que l’écrivain soit défendu par un avocat algérien, «et si possible un avocat de son choix». Lui ne sait pas encore s’il se rendra sur place. «Je ne sais même pas si c’est nécessaire.» L’avocat a insisté sur le fait que l’arrestation de l’écrivain devait «interpeller des intellectuels du monde entier» mais aussi «être un sujet algérien, traité en droit algérien, et qui interpelle la société algérienne, qui mérite mieux que cela».
Interrogé sur ce qu’il attend des politiques et du gouvernement français, l’avocat a jugé qu’il fallait «éviter à ce stade d’en faire au maximum». «Certains ont voulu faire de Boualem Sansal, et de cette arrestation, l’occasion d’un irritant de plus dans la relation franco-algérienne. Et le rôle de sa défense aujourd’hui, c’est évidemment de ne rien faire qui aille dans ce sens.» Cet événement intervient dans un contexte diplomatique tendu entre la France et l’Algérie, après l’appui de Paris au plan d’autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental fin juillet.
Selon le Monde, les autorités algériennes pourraient avoir mal pris les déclarations de Boualem Sansal au média français Frontières, réputé d’extrême droite, qui reprennent la position marocaine selon laquelle le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. Il s’agirait d’une «ligne rouge» pour Alger qui pourrait valoir à l’auteur des accusations d’«atteinte à l’intégrité nationale».
Mise à jour : le 26 novembre à 17h37 avec l’annonce de l’audition et le placement en détention de Boualem Sansal.