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Hostilités

Cachemire : l’Inde et le Pakistan s’enlisent dans la surenchère

Conflit entre l'Inde et le Pakistandossier
Islamabad continue de nier toute implication dans l’attentat qui a tué 26 touristes dans le Cachemire indien le 22 avril et se dit toujours convaincu que l’Inde va procéder à une frappe aérienne.
Manifestation contre l'Inde à Multan, le 6 mai. (Shahid Saeed Mirza /AFP)
publié le 6 mai 2025 à 21h37

Tests de missiles au Pakistan, exercices de défense en Inde. Deux semaines après l’attentat contre des touristes dans le Cachemire indien, la tension entre les deux pays voisins, dotés de l’arme nucléaire et où se concentrent environ 20 % de la population mondiale, ne retombe pas. «La situation est extrêmement dangereuse, affirme l’ambassadrice du Pakistan en France, Mumtaz Zahra Baloch. L’Inde use d’une rhétorique de plus en plus violente et a placé son armée en état d’alerte. Elle a promis à sa population qu’elle frapperait le Pakistan, elle est dans un engrenage.»

New Delhi vient d’annoncer que des exercices de défense se dérouleraient mercredi. Ils visent entre autres à tester les alertes en cas d’attaque aérienne, à entraîner les civils et les étudiants à se protéger, à préparer les systèmes de camouflage des infrastructures critiques et à vérifier l’efficacité des services de secours.

Islamabad a de son côté procédé mardi à un nouveau test de missile sol-sol, le Fatah, d’une portée de 120 kilomètres. Samedi, elle en avait tiré un premier d’une portée de 450 kilomètres, soit la distance entre la frontière indo-pakistanaise et New Delhi. Jamais, depuis la crise de 2019, lorsque l’Inde avait ordonné une frappe aérienne sur le Pakistan après une attaque jihadiste qui avait tué 40 paramilitaires indiens, les tensions n’avaient atteint un tel niveau. «Je regrette de voir [leurs] relations atteindre un point critique, a déclaré lundi le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, à New York. [Mais] ne vous y trompez pas : une solution militaire n’est pas une solution.» Selon lui, les deux pays sont «au bord du précipice».

«Acte de guerre»

Celui-ci s’est dessiné dès le 22 avril lorsqu’au moins trois hommes abattent vingt-cinq touristes indiens et un népalais dans la ville de Pahalgam, dans la région du Cachemire administrée par l’Inde. Quasi immédiatement, les autorités indiennes affirment que le Pakistan est responsable. Selon elles, les assaillants appartiennent au Front de la résistance, un groupe actif dans la zone considérée comme une extension du Lashkar-e-Taïba, un groupe jihadiste qui avait commis les attentats de Bombay en 2008. Le Pakistan dément toute implication.

«Le gouvernement indien nous a accusés alors même que les secours n’étaient pas arrivés à Pahalgam, affirme Mumtaz Zahra Baloch. Nous n’avons rien à voir avec cette attaque. Ils tentent de masquer leurs propres échecs alors que plus de 700 000 de leurs soldats sont déployés dans cette région. Il est indispensable qu’une enquête menée par des experts indépendants soit ordonnée. Ils montreront que nous n’y sommes pour rien.» L’Inde décide alors d’annuler les visas des ressortissants pakistanais et leur donne quelques jours pour quitter le pays. Le Pakistan prend une mesure similaire dans la foulée. Les représentations diplomatiques de chacun d’entre eux sont réduites au minimum.

Mais le Premier ministre indien ultranationaliste, Narendra Modi, va plus loin : il décide de rompre le traité bilatéral de 1960 qui régit la répartition des eaux de l’Indus qui transitent par le Cachemire pour irriguer le Pakistan. Couper leur flot constituerait «un acte de guerre», dénonce Islamabad. Mardi, les autorités pakistanaises ont accusé leur voisin d’avoir modifié le débit du fleuve Chenab, l’un des trois placés sous le contrôle d’Islamabad en vertu du traité de 1960.

Les appels au calme de la communauté internationale n’ont pour l’instant rien donné. L’Iran, dont le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, est attendu jeudi à New Delhi après une visite à Islamabad, a proposé de faire office de médiateur, tout comme l’Arabie saoudite. «Quiconque peut faire baisser la tension est le bienvenu, explique Mumtaz Zahra Baloch. Il faut convaincre l’Inde d’annuler la mise en alerte de son armée.»