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Libération
Demi-soulagement

Cécile Kohler et Jacques Paris, retenus en Iran depuis mai 2022, sortent de prison, mais pas d’Iran

L’enseignante de 41 ans et son compagnon de 72 ans, détenus illégalement durant 1 277 jours à la prison d’Evin de Téhéran, ont été extraits de leur cellule mardi et ont pu rejoindre l’ambassade de France. Sans être autorisés à quitter l’Iran.

Lors d'un rassemblement de soutien aux détenus Cécile Kohler et Jacques Paris, à Paris le 28 janvier 2023. (Valérie Dubois/Hans Lucas. AFP)
Publié le 04/11/2025 à 19h37

1 277 jours de détention illégale, de torture psychologique, d’épuisement et enfin, la libération. Cécile Kohler, 41 ans, et Jacques Paris, 72 ans, ont pu sortir mardi 4 novembre de leur prison d’Evin, à Téhéran, la capitale iranienne. «Soulagement immense ! Cécile Kohler et Jacques Paris sont en route pour l’ambassade de France à Téhéran», a annoncé Emmanuel Macron sur X. Le président français a annoncé une «première étape».

Il ne s’agit en effet pas d’une libération pleine et entière. D’ordinaire, une telle annonce pour des prisonniers français n’intervient qu’une fois qu’ils sont dans un avion affrété par le Quai d’Orsay et que l’appareil a quitté l’espace aérien iranien. «Le dialogue se poursuit pour permettre leur retour en France le plus rapidement possible», a précisé Emmanuel Macron.

Mardi soir, Cécile Kohler et Jacques Paris étaient donc toujours en Iran, dans l’interdiction de rentrer dans leur pays, assignés à résidence à l’ambassade de France à Téhéran. La diplomatie iranienne a bien précisé de son côté que les deux Français étaient «libérés sous caution» et qu’ils «seront placés sous surveillance jusqu’à la prochaine étape judiciaire».

Ils «ont été remis aux autorités françaises […] C’est un profond soulagement, ont déclaré dans un communiqué leurs avocats. Mais ils ne sont pas libres. Empêchés de regagner la France et de retrouver leurs familles, ils demeurent privés de liberté, désormais sous la forme d’une interdiction de quitter la République islamique d’Iran. La liberté de Cécile Kohler et de Jacques Paris n’est pas seulement leur cause ; elle est celle de tous ceux qui croient encore à la force du droit face à l’arbitraire. Nous appelons à leur retour immédiat en France.»

«Pour l’instant, la seule chose qu’on sait, c’est qu’ils sont sortis de la prison, pour nous ça c’est un immense soulagement», ont déclaré de leur côté Pascal et Mireille Kohler, les parents de Cécile à l’AFP. «On sait qu’ils ne sont plus soumis à ce traitement inhumain auquel ils avaient droit, et que maintenant ils sont à l’ambassade, donc ils sont déjà dans un petit bout de France», ont-ils ajouté, tandis que des klaxons de voitures retentissaient devant leur domicile en Alsace.

«Mise en scène indigne, révoltante, inacceptable»

Enseignante, Cécile Kohler et son compagnon Jacques Paris, lui aussi enseignant, à la retraite, ont été arrêtés le 7 mai 2022 à Téhéran. Ils achevaient un voyage d’une dizaine de jours. Pendant plusieurs mois, ils disparaissent, leurs familles n’ont aucune information. Jusqu’à octobre 2022, lorsque la télévision iranienne diffuse ce qu’elle présente comme des aveux. Dans un décor d’appartement, les deux Français disent être «des agents de la DGSE», les services de renseignement extérieurs français. «Une mise en scène indigne, révoltante, inacceptable et contraire au droit international», réagit alors le Quai d’Orsay.

Le sujet diffusé à la télé montre surtout que les autorités iraniennes ont suivi et filmé Cécile Kohler et Jacques Paris dès leur arrivée dans le pays. On les voit se promener, discuter avec des Iraniens que le régime d’Ali Khamenei qualifie de «syndicalistes». Les deux Français sont militants de Force ouvrière.

A l’époque, l’Iran est secoué par des manifestations qui se propagent à travers le pays. Des centaines de milliers de personnes protestent après la mort en détention d’une jeune Kurde, Mahsa Amini, arrêtée le 20 septembre 2022 pour un voile mal porté. Le mouvement Femme, vie, liberté est lancé ; le régime vacille et réprime. Des milliers de manifestants sont arrêtés. Plus de 530 seront tués, selon l’ONG Human Rights Watch.

Le régime iranien s’acharne sur les deux Français

Cécile Kohler et Jacques Paris sont détenus à la prison d’Evin, dans la section 209, la plus dure, celle qui dépend des services de renseignement et non de l’administration pénitentiaire. Les conditions sont déplorables. Cécile Kohler est enfermée dans une cellule de 9 mètres carrés, avec trois autres détenues qui sont régulièrement transférées pour éviter que des liens puissent se créer. Elle dort par terre, les néons sont allumés 24 heures sur 24. Elle ne sort de sa cellule que trois fois par semaine, pour une demi-heure de promenade dans une cour.

Le régime iranien s’acharne sur les deux Français, ne leur autorisant que trois visites de l’ambassadeur français Nicolas Roche, entre leur arrestation et mars 2025. La première, en 2022, n’a duré que dix minutes. Cécile Kohler et Jacques Paris ne peuvent en outre appeler leur famille, tout en étant surveillés, qu’une fois par mois.

La situation des «otages d’Etat», comme les décrit l’Elysée, s’aggrave encore le 23 juin 2025, lorsqu’Israël bombarde la prison d’Evin. Ils sont transférés dans une première prison, celle de Borzog, aussi connue sous le nom de Fashafouyeh ou de prison centrale du Grand Téhéran. Au diplomate français qui est autorisé à les rencontrer, ils racontent les murs qui tremblent, les blessés et leur transfert «très brutal».

Depuis Paris, leurs familles interpellent une nouvelle fois les autorités françaises et iraniennes, expliquant qu’ils sont au bord de l’effondrement, qu’ils ne survivront pas à plusieurs autres mois de détention.

A la mi-octobre, Cécile Kohler est condamnée à vingt ans d’emprisonnement, Jacques Paris à dix-sept ans. Les sentences sont considérées comme un signe d’avancement, une façon pour le régime de Khamenei de préparer leur libération.

Les autorités iraniennes avaient fait savoir publiquement le 11 septembre qu’elle était prêtes à les échanger contre une Iranienne, Mahdieh Esfandiari, arrêtée en France en février et accusée de promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux. Le 22 octobre, Mahdieh Esfandiari a été libérée, sous contrôle judiciaire, contre l’avis du parquet. Son procès est prévu en janvier à Paris.

Mise à jour à 22h avec les précisions de Téhéran, le communiqué des avocats et la réaction des parents de Cécile Kohler.