Pendant que les attaques des Houtis se poursuivent, l’alliance militaire pour protéger le trafic maritime en mer Rouge perd déjà un élément. L’Espagne ne participera pas à la coalition internationale contre les attaques des rebelles yéménites. Après plusieurs jours d’atermoiements et une gêne évidente, le gouvernement de gauche espagnol a précisé, via une déclaration du ministère de la Défense publiée samedi 23 décembre au soir, s’opposer à un élargissement de la mission de l’opération européenne Atalante, qui lutte depuis 2008 contre la piraterie dans l’océan Indien.
Analyse
Le ministère rappelle que cette mission Atalante se limite actuellement à la seule Espagne et à un seul navire, la frégate Victoria, et met en avant le fait que la récente reprise des actes de piraterie dans la zone «requiert un investissement maximum» de cette mission. «La nature et les objectifs de la mission Atalante […] n’ont rien à voir avec ceux que l’on ambitionne d’atteindre en mer Rouge», insiste par ailleurs le ministère.
Le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez estime pour cette raison «indispensable» la création d’une mission «nouvelle et spécifique» consacrée à la protection du trafic maritime commercial en mer Rouge. Cette mission ad hoc devra avoir «un champ d’action, des moyens et des objectifs propres, décidés par les organismes compétents de l’UE», assure le ministère, qui ajoute que «l’Espagne ne s’oppose en aucune façon à sa création». Un porte-parole du ministère a toutefois précisé ce dimanche que l’Espagne «ne participera pas» à cette opération de l’UE.
Le ministère n’a pas expliqué les raisons de ce refus, annoncé peu après un appel téléphonique vendredi du président américain Joe Biden à Pedro Sánchez.
Interview
Selon la presse espagnole ce dimanche, le refus de Madrid de s’impliquer dans cette mission dirigée par les Etats-Unis s’explique vraisemblablement par des raisons de politique intérieure. Pedro Sánchez doit, en effet, composer au sein de la coalition gouvernementale avec un parti de gauche radicale, Sumar, très hostile à la politique étrangère américaine.
Dans une interview jeudi à une radio, la leader de ce parti, Yolanda Díaz, également vice-présidente du gouvernement, avait ainsi estimé «énormément hypocrite» la rapidité des pays occidentaux à protéger le commerce maritime international, l’opposant à leur impuissance à protéger la population civile de Gaza des bombardements israéliens.
Madrid pas consulté avant l’annonce de la coalition ?
La création de cette coalition militaire en mer Rouge, baptisée «Prosperity Guardian» et dirigée par les Etats-Unis, avait été annoncée par le ministre de la Défense américain, Lloyd Austin, lundi à Washington. Lloyd Austin avait déclaré que dix pays participeraient à cette coalition, parmi lesquels l’Espagne, mais aussi la France, le Royaume-Uni, le Bahreïn, le Canada, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège et les Seychelles.
Selon le site d’information El Confidencial et le quotidien El País, cette annonce avait provoqué le mécontentement du gouvernement espagnol, qui n’avait pas été consulté à l’avance. La porte-parole du gouvernement espagnol, Pilar Alegría, avait ainsi averti que l’Espagne ne participerait «jamais à une opération [de manière] unilatérale» et ferait preuve d’une «prudence maximale».
Dans son communiqué, le ministère de la Défense précise néanmoins que «l’Espagne est et sera toujours un allié sérieux et fiable» des missions militaires de l’UE, de l’Otan et des Nations Unies, «comme le démontrent les 3 000 hommes et femmes des forces armées espagnoles» engagées actuellement dans des missions de la paix.