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Précurseurs

Congé menstruel : avant l’Espagne, ces pays qui l’ont déjà mis en place

Plusieurs pays ont déjà instauré le congé menstruel qui permet aux femmes de pouvoir se mettre en pause dans leur exercice professionnel en cas de règles douloureuses. Cependant, de nombreuses entreprises ne respectent pas ce droit et plusieurs femmes n’osent pas recourir à leur droit.
La parlementaire Tenkoko Matsutani s'adresse à un auditoire de femmes, au Japon, en juillet 1947. Cette année là, le congé menstruel a été inscrit dans la loi nippone. (The Asahi Shimbun/via Getty Images)
publié le 16 février 2023 à 18h46

Ce jeudi, l’Espagne a écrit une nouvelle page de son histoire en adoptant une loi sur le congé menstruel, devenant le premier pays d’Europe à ce faire. Car si ce droit est encore rare dans le monde, il est déjà instauré dans quelques autres pays, notamment en Asie. Et parfois depuis plus d’un demi-siècle. Reste qu’entre le cadre légal et la prise concrète de ces congés qui permettent une pause professionnelle pendant les règles, l’écart est grand.

Le Japon en pionnier

Le Japon est le premier pays à adopter un congé menstruel, peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1947, le législateur nippon inscrit dans l’article 68 du Code du travail le droit au congé menstruel dans les termes suivants : «lorsqu’une femme, qui expérimente des cycles menstruels douloureux, souhaite disposer d’un congé, l’employeur doit respecter sa demande». Peu importe le type de contrat, les femmes peuvent s’absenter de quelques heures à quelques jours sans aucune limite de temps et les entreprises ne peuvent forcer une employée à travailler si elle demande à être en congé menstruel.

CNN indique que ce droit devenu populaire était utilisé par 26 % des femmes en 1965, mais qu’au fil du temps, de moins en moins de Japonaises ont été enclines à prendre des congés. Une étude du ministère japonais du Travail, réalisée en 2020 sur 6 000 entreprises, montre que seulement 0,9 % des employées éligibles déclarent avoir pris des congés menstruels. Par ailleurs, 30 % des entreprises proposent de rembourser entièrement ou partiellement ces congés périodiques, que la loi n’a pas prévu d’indemniser.

Ces chiffres très bas s’expliquent par plusieurs raisons : dans une société où la pression sociale est forte, certaines Japonaises considèrent qu’il y a trop de travail pour prendre des congés et que les moyens tels que les protections hygiéniques et les médicaments suffisent. De plus, dans un certain nombre d’entreprises, les femmes qui n’utilisent pas ces congés menstruels reçoivent une prime.

L’Indonésie dans la foulée

En Indonésie, la loi, initialement mise en place en 1948, prévoit un ou deux jours de congés payés en début de cycle menstruel et en cas de règles douloureuses. La loi oblige seulement les employées à notifier à leurs employeurs la date de prise de ces congés. Cependant, cette loi inconditionnelle a été modifiée en 2003 et depuis, les femmes se voient contraintes de négocier avec leurs entreprises, via les conventions collectives, pour accéder à ce droit. Dans les faits, beaucoup d’entreprises n’autorisent qu’un seul jour de congé menstruel, ou même aucun, en choisissant d’ignorer la loi.

En Corée du Sud, une salariée sur cinq recourt à ce droit

C’est en 2001 que la Corée du Sud décide à son tour d’instaurer le congé menstruel. Les employées sont autorisées à prendre un jour de congé menstruel par mois, qui n’est pas payé. Les entreprises qui ne respectent pas la loi sont passibles d’une amende de 5 millions de wons, soit environ 3 750 euros. Ce dispositif devait également être élargi aux étudiantes souffrant de règles douloureuses mais la tentative a échoué.

Comme au Japon, la pression sociale et le tabou des cycles menstruels prennent le dessus. Selon un sondage effectué en 2018, seulement 19 % des employées déclarent utiliser le droit au congé menstruel. Selon un autre sondage réalisé sur 20 121 femmes publié dans le Korea Times en 2012, 85 % des femmes travaillant dans le domaine médical refusent d’utiliser le congé menstruel.

A Taïwan, trois jours maximum par an

Taïwan reconnaît également le droit au congé menstruel pour les employées dans la limite d’un jour par mois et d’un total de trois jours par an. Il reste toutefois possible pour les salariées de bénéficier de plus de jours de congé menstruels, mais ils sont alors comptabilisés comme des jours de congé maladie normaux. Les congés menstruels sont remboursés, tout comme les congés maladie, comme des demi-journées travaillées.

La «fête des mères» en Zambie

Premier pays africain à mettre en place ce dispositif, la Zambie a adopté en 2015 une loi accordant aux femmes le droit à un congé menstruel, appelé «fête des mères» par pudeur, qui leur permet de prendre un jour de congé supplémentaire par mois, sans préavis ni certificat médical en cas de règles douloureuses. Si le congé menstruel est généralement accepté, certains employeurs restent réticents et demandent par exemple que les femmes donnent un préavis.

«Certaines entreprises ne veulent même pas entendre parler du fait que leurs employées ont droit à la fête des mères», explique Ruth Kanyanga Kamwi, spécialiste en communication et militante féministe. Mais grâce aux syndicats, les salariées sont de plus en plus nombreuses à exercer leur droit.

Et dans le reste du monde

Dans d’autres pays où le congé menstruel n’existe pas, ce sont les entreprises qui ont pris les devants. En effet, plusieurs d’entre elles à travers le monde offrent la possibilité à leurs employées de prendre des «congés règles». Par exemple, le fonds de pension australien Future Super, l’entreprise de livraison indienne Zomato, le fabricant français de mobilier Louis Design proposent six, dix ou 12 jours de congés payés supplémentaires par an à leurs employées souffrant de règles douloureuses. Le mouvement est récent et des syndicats, notamment en Australie, militent pour la généralisation de ce type de droit dans les entreprises.

L’année dernière, c’est le lycée Nervi-Servini, dans la ville de Ravenne, au nord-est de l’Italie qui a mis en place des congés menstruels pour toutes les lycéennes qui souffrent de douleur menstruelle. Ce dispositif permet alors à ces jeunes filles de pouvoir s’absenter deux jours sans risquer d’être sanctionnées. Cependant, elles doivent fournir une attestation médicale chaque année pour certifier de leur souffrance.

En France, le Parti Socialiste (PS), qui avait inscrit le congé menstruel dans son programme pour la présidentielle de 2022, offre depuis le 7 novembre un jour de congé menstruel aux salariées de son siège, qu’elles soient en CDI, CDD, stage ou bien en alternance. «Ce droit a pour objectif d’améliorer la qualité de vie au travail et plus particulièrement le bien-être des femmes sujettes à ces difficultés», éclairait la formation dans un communiqué.