Entamée avec confiance, l’année 2021 s’achève dans l’incertitude sur le front du Covid. Ce qui devait être une «course contre la montre» entre vaccination et virus s’est peu à peu transformé en un marathon planétaire, la réticence de certaines populations à s’injecter l’«arme» antivirale se conjuguant aux mutations du virus pour entraver la sortie de crise sanitaire.
Au départ, la victoire semblait donc juste être une affaire de vitesse. Mais, à la toute fin décembre 2020, l’apparition outre-Manche d’un variant plus contagieux et virulent que la souche initiale, dite «de Wuhan», fait frémir le Vieux Continent. S’il a entamé sa campagne de vaccination dès le 8 décembre 2020, le Royaume-Uni est pris de court par cette troisième vague, plus mortelle encore que les précédentes. Face au danger, l’Union européenne pousse la cadence vaccinale aussi fort que le lui permettent les livraisons, encore limitées, de doses. Le résultat est prometteur. Touchée début mars par ce qu’on appelle encore le variant anglais (l’utilisation des lettres de l’alphabet grec ne viendra qu’au mois de mai, préconisée par l’OMS), l’Europe de l’Ouest surmonte la vague deux mois plus tard sans avoir besoin de décréter des confinements stricts. Grâce au vaccin, la planète aperçoit enfin le bout du tunnel. Mais le fléau est polymorphe. Courant avril, l’Inde envoie un SOS international : infectée par un mutant indigène qui deviendra le delta, plus contagieux que l’anglais (l’alpha) mais surtout plus résistant au vaccin, sa population se meurt faute d’oxygène. Le 23 mai, au climax de cette nouvelle crise, le pays enregistre 4 190 décès en une journée…
Pour delta, ce n’est que le début d’une tournée mondiale, dont la première étape est… le Royaume-Uni. A partir de début mai et jusqu’à fin juillet une quatrième vague grossit outre-Manche. Près de 85 % des Britanniques étant désormais primo-vaccinés, le pays limite les pertes humaines et préserve son système de santé. Frappée dans la foulée, l’Europe de l’Ouest, désormais dotée de pass sanitaires, sésames obligés pour passer les frontières ou même, comme en France, pour mener une vie sociale «normale», endigue aussi le péril. Il n’en va pas de même aux Etats-Unis : une partie substantielle des Nord-Américains refusant injections et restrictions sociales, delta y fait des ravages. Même chose en Russie, en Ukraine et dans les Balkans, où la couverture vaccinale ne dépasse pas 40 % de la population : la cinquième vague qui monte avec l’automne y foudroie plus d’une centaine de milliers de personnes.
Sans vaccin, pas de salut. Mais en disposer ne procure qu’un répit. Israël, pionnier planétaire de la vaccination, en informe le monde dès juillet : l’efficacité des vaccins s’estompe au fil du temps. Six mois après la deuxième dose, les plus fragiles ne sont plus vraiment à l’abri de faire une forme grave du Covid. En clair, les campagnes vaccinales ne sont pas achevées qu’elles sont à recommencer… Dans la roue de l’Etat hébreu, une cinquantaine de pays de tous les continents ouvrent l’accès à la troisième dose, booster d’immunité.
L’espoir originel d’une guerre éclair contre le virus se dissipe définitivement fin novembre. Alors que l’Europe continentale se débat toujours avec delta, des chercheurs sud-africains sonnent l’alarme : un variant truffé de mutations a émergé en Afrique australe, sur fond de vaccination en berne du continent (7 % de la population africaine est vaccinée, contre plus de 70 % dans les pays riches). Vite qualifié de «préoccupant» par l’OMS, omicron est bientôt signalé sur toute la planète. Deux à trois fois plus contagieux que delta, le dernier-né de la famille Sars-Cov 2 est aussi plus menaçant : contre lui, le vaccin menace d’être de peu d’efficacité. C’est un vertigineux retour à la case départ qui se profile. A moins que… Si l’ultratransmissible omicron remplace delta, l’humanité ne pourrait-elle pas atteindre l’immunité collective à moindres frais, le nouveau variant semblant moins virulent que son prédécesseur ? Des scientifiques le suggèrent. Quand on parlait d’incertitude…
Brésil, l’antimodèle
Une gestion «criminelle» de la crise du Covid. C’est l’accusation que porte fin octobre la commission d’enquête du Sénat brésilien à l’encontre du président, Jail Bolsonaro, soupçonné d’avoir «délibérément exposé» sa population à une «contamination de masse» par le Covid-19. Son refus de mettre en place le port du masque, les gestes barrières, les confinements et même les vaccins participe d’un plan cynique, aux dires des sénateurs : faciliter la propagation du virus pour atteindre au plus vite l’immunité collective. Une stratégie meurtrière : le Brésil déplore le plus grand nombre de décès au monde (plus de 600 000) après les Etats-Unis, alors que «près de 137 000 morts auraient peut-être pu être évités» regrettent les sénateurs. En outre, c’était exposer le Brésil à un redoutable effet boomerang : apparu en décembre 2020 dans la ville de Manaus à la faveur du bouillon de culture général, un nouveau variant, gamma, ravage le pays au printemps 2021 – jusqu’à 4 000 décès par jour au pic d’avril. Entamée avec retard faute pour l’exécutif d’avoir passé commande de doses à temps, la campagne vaccinale se déploie malgré lui. Le 21 octobre, Bolsonaro, toujours pas vacciné, relayait publiquement une rumeur selon laquelle les personnes entièrement vaccinées développent le virus du sida «beaucoup plus rapidement que prévu».
Israël, le cobaye
Etat pionnier de la vaccination de masse suite à son accord avec le géant pharmaceutique Pfizer, Israël est depuis décembre 2020 le laboratoire expérimental du reste de la planète. Au printemps, la régression de l’épidémie dans l’Etat hébreu valide le vaccin aux yeux de tous. Tout comme le regain de contaminations début juillet alerte le monde sur les limites du produit : face au variant delta, l’immunité acquise est fragile. Pis, les chercheurs israéliens mettent bientôt en évidence que, variant ou pas, l’efficacité vaccinale s’estompe au fil des mois. Premier confronté au problème, c’est à Israël qu’il revient d’expérimenter la riposte. L’idée de la troisième dose pour tous s’impose dès la fin août. La population traîne un peu les pieds ? Début octobre, les autorités conditionnent l’obtention du «green pass» – l’équivalent du pass sanitaire français – au rappel au bout de six mois. Encouragé par le reflux des infections, l’Etat hébreu lance mi-novembre, dans la foulée des Etats-Unis, la vaccination des 5-11 ans pour conserver un coup d’avance sur le virus. Dans les semaines qui suivent, de nombreux pays lui emboîtent le pas.
Chine, la tolérance zéro
Une guerre sans merci. Deux ans après le début de la pandémie, la Chine est le dernier pays à ne toujours pas tolérer le virus né sur son territoire. Quitte à tenir le monde à distance, entre suspension quasi totale de ses vols internationaux et mise en quarantaine pour au moins deux semaines des voyageurs. Quitte aussi à soumettre sa population à un diktat sanitaire sans équivalent. Qu’un foyer épidémique soit découvert, comme fin octobre en Mongolie intérieure, et des villes entières, à l’instar de Lanzhou (4 millions d’habitants), sont immédiatement mises sous cloche. Une traque au virus qui frise parfois l’absurde : lors de la poussée épidémique de l’été, se trouver à 800 mètres d’une personne positive durant dix minutes suffisait dans certaines provinces pour se retrouver en quarantaine… Mis au point dès décembre 2020 par les champions pharmaceutiques nationaux Sinopharm et Sinovac, le vaccin ne souffre pas d’opposition dans le pays : selon les autorités, plus des trois quarts de la population, soit 1,068 milliard d’individus étaient totalement vaccinés fin octobre, et 65,7 millions avaient reçu leur troisième dose. Officiellement, la Chine ne compte que 4 656 morts du Covid.
Etats-Unis, la désillusion
En ce mois de mars 2021, le président Joe Biden n’a aucun doute : la vague virale meurtrière que vient d’essuyer son pays sera la dernière. Les Etats-Unis, berceau et premier producteur des vaccins ARN en ont presque fini du Covid. Aux Américains vaccinés, le Président rend déjà la liberté : «Enlevez vos masques ! Vous avez gagné le droit de faire une chose pour laquelle les Américains sont connus à travers le monde : saluer les autres avec un sourire !» Six mois plus tard, la désillusion est totale. Démarrée sur les chapeaux de roues, la campagne vaccinale s’est enlisée. Durant l’été, le variant delta a pris par surprise une population insuffisamment protégée, 80 millions d’Américains (25 % de la population) refusant le vaccin. Début septembre, Biden dénonce : «Une minorité identifiée d’Américains» soutenue par «une minorité identifiée de responsables politiques» empêche les Etats-Unis de «tourner la page» du Covid-19. En dernier recours, il décrète l’obligation vaccinale pour les fonctionnaires fédéraux, mais aussi pour les salariés des entreprises privées de plus de 100 personnes… Las ! aussitôt contestée, cette dernière décision sera invalidée par la justice début novembre, libéralisme oblige. En 2021 aux Etats-Unis, plus de 400 000 personnes ont succombé au Covid, un bilan plus lourd encore qu’en 2020.
Russie, le laisser-aller
Un retour du business as usual, quoi qu’il en coûte. Au printemps 2021, Vladimir Poutine abandonne toute velléité de contrôle de l’épidémie : après une année 2020 émaillée de confinements, la volonté de remettre l’économie à flot l’emporte désormais sur la lutte contre le virus. L’idée d’instaurer un pass sanitaire à l’échelon fédéral est remisée, même si les régions conservent le choix d’introduire des mesures de contrôle. C’est que pour les autorités, le danger est passé : grâce à son vaccin Spoutnik V, la Russie est, sur le papier, armée pour résister aux assauts du virus… Mais voilà, méfiante vis-à-vis des messages gouvernementaux, la population boude le produit. Les autorités ne s’en émeuvent pas : annoncée au printemps, l’obligation vaccinale dans l’administration se transforme en août en simple recommandation… C’est donc un pays mal protégé que submerge à l’automne la vague delta. Devant l’hécatombe – 75 000 morts sur le seul mois d’octobre –, Poutine se résigne à décréter une semaine chômée pour freiner la circulation virale, tout en appelant la population à se faire vacciner. Sans vraiment convaincre. Début décembre, moins de 40 % des 144 millions de Russes disposaient d’un schéma vaccinal complet. Avec plus de 520 000 morts depuis le début de la pandémie selon l’agence de statistiques Rosstat, la Russie est le troisième pays le plus meurtri au monde, après les Etats-Unis et le Brésil.
Allemagne, le boomerang
C’était le «bon élève» des débuts de la pandémie. Celui dont on enviait la discipline collective et cette organisation décentralisée des soins supposées lui avoir permis de surmonter trois vagues épidémiques sans trop de casse. Patatras ! En novembre, l’Allemagne prend de plein fouet la vague delta. Les contaminations s’emballent, atteignant des niveaux inédits. Les hôpitaux croulent bientôt sous les patients Covid. Sept mois après la France, l’Allemagne franchit le seuil symbolique des 100 000 morts. D’un coup, le gouvernement Merkel prend conscience du retard pris dans la lutte contre le virus : la couverture vaccinale n’est que de 69 %, six points de moins qu’en France qui a démarré sa campagne en même temps. Pis dans certains lands comme en Saxe, elle n’excède pas 61 %… La réaction des autorités est brutale. Les restrictions pleuvent sur les non vaccinés, contraints à un quasi-confinement : bars, restaurants, cinémas, salles de spectacle, sport en salle, commerces non-essentiels et marchés de Noël leur sont interdits du jour au lendemain. Dans la foulée de l’Autriche, l’Allemagne dit songer à rendre la vaccination obligatoire. Après dix-huit mois de restriction light, ce brutal serrage de vis prend à froid une partie de la population. Fin 2021, en Allemagne, mais aussi en Autriche, aux Pays-Bas et en Belgique, les mouvements de protestation se multiplient contre les restrictions sanitaires.
Retrouvez nos rétros de l’année : la course aux doses, 2021 à l’international, l’année politique et sociale, culture et sport et les mots de 2021.
Entamée avec confiance, l’année 2021 s’achève dans l’incertitude sur le front du Covid. Ce qui devait être une «course contre la montre» entre vaccination et virus s’est peu à peu transformé en un marathon planétaire, la réticence de certaines populations à s’injecter l’«arme» antivirale se conjuguant aux mutations du virus pour entraver la sortie de crise sanitaire.