Un président arrive. Une chancelière tire sa révérence. Après un début de mandat fulgurant, Joe Biden, qui a prêté serment en janvier après un ultime baroud de déshonneur des trumpistes, a déjà perdu de sa superbe. Le 8 décembre Angela Merkel laisse son poste à Olaf Scholz et quitte la politique sous l’ovation des députés. La fin d’une ère. En 2021, les Birmans sont retombés sous le joug des militaires, les Afghans ont replongé dans la terreur talibane et les Israéliens ont enfin réussi à virer Bibi Nétanyahou. Retour en douze dates sur une année également marquée par les catastrophes naturelles et une vague de coups d’Etat en Afrique.
Au Capitole, l’ultime naufrage de Trump
6 janvier. Ce devait être une formalité dictée par la Constitution. En ce glacial mercredi 6 janvier, le Congrès se réunit pour entériner la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle américaine. Mais près de la Maison Blanche, des milliers de partisans de Donald Trump, qui refuse sa défaite, ont répondu à son appel demandant à «sauver l’Amérique». Chauffée à blanc par le président sortant, la foule marche vers le Capitole et y pénètre de force, contraignant le Congrès à interrompre le vote. Les images de cet assaut inédit contre la démocratie américaine font le tour du monde, certaines dramatiques, d’autres lunaires : la police débordée, le vice-président Mike Pence évacué, des élus barricadés portant des masques à gaz, un pro-Trump tout sourire volant un pupitre… L’invasion fait cinq morts, dont un policier et une pro-Trump abattue par un agent. «Very Bad Trip», titre Libé le surlendemain. Naïvement, on croit alors qu’après ces violences, les républicains vont enfin rompre avec Trump. On se trompe. Un an plus tard, sa mainmise sur le parti reste totale. Il se prépare à l’acte 2. Le mauvais trip est loin d’être terminé. F.A.
Biden, les lendemains qui déchantent
20 janvier. En prêtant serment le 20 janvier dans une capitale en état de siège sanitaire et encore traumatisée par l’assaut du Capitole, Joe Biden mesure l’ampleur de la tâche. Il promet de réconcilier l’Amérique déchirée par les années Trump et un «effort de guerre» face au Covid-19. Le bilan, au bout d’un an, est plus que mitigé. Après des débuts fulgurants, la campagne de vaccination patine depuis l’été et la pandémie a encore fait cette année 400 000 morts aux Etats-Unis. Au Congrès, les divisions fratricides du camp démocrate ont frustré les ambitions transformatrices de Biden, qui se rêve en nouveau Roosevelt. Un vaste plan d’investissement dans les infrastructures a certes été adopté en novembre, mais le volet socio-écologique, censé «reconstruire en mieux» l’Amérique, reste bloqué au Sénat. Avec une inflation record et une cote de popularité au plus bas, Biden, 79 ans, attaque l’année 2022 en mauvaise posture. Avec déjà, en ligne de mire, les élections de mi-mandat, début novembre, qui pourraient lui coûter sa fragile majorité dans les deux chambres. Et condamner à l’inaction le reste de sa présidence. F.A.
La Birmanie se referme dans le sang
1er février. Un coup d’Etat militaire, à l’aube, à l’ancienne. Le 1er février, après dix ans d’ouvertures et des élections remportées haut la main par la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi, l’armée a sifflé la fin de la partie démocratique en Birmanie. Le général Min Aung Hlaing a fait arrêter le président, la conseillère d’Etat Aung San Suu Kyi, avant de les poursuivre pour de farcesques accusations de corruption et d’élections truquées. La junte a un nom : le Conseil d’administration de l’Etat qui a déployé la troupe dans les villes et contre les guérillas ethniques des régions frontalières. La Tatmadaw – l’armée – ne réprime pas, elle tue. Et provoque le chaos qu’elle assurait pourtant prévenir depuis l’indépendance. Déjà fragilisée par le Covid et la crise économique, la Birmanie sombre dans une guerre fratricide : 230 000 personnes ont été déplacées et au moins 1300 autres ont été tuées. L’armée affronte la «force de défense du peuple», créée par le gouvernement d’unité nationale mis en place par les opposants à la junte, et qui a appelé en septembre à une «guerre de résistance». A.V.
On ne passe plus au canal de Suez
23-28 mars. Une arête de poisson plantée dans le gosier du commerce maritime mondial. C’est ce qu’a représenté l’obstruction du canal de Suez par le mégaporte-conteneurs Ever Given, six jours durant. Aveuglé par une tempête de sable, le navire a encastré sa proue et s’est mis en travers de la voie navigable par où transite entre 10 et 12 % du trafic maritime planétaire. Conséquence : un bouchon de 422 bateaux, chargés de 26 millions de tonnes de marchandises. Il a fallu creuser le fond du canal et engager une dizaine de remorqueurs pour dégager le géant des mers, long comme quatre terrains de foot. Toujours immobilisé, cette fois par les autorités du canal, l’Ever Given n’a pu repartir que cent jours plus tard, après négociation entre son armateur taïwanais et l’Etat égyptien. La «rançon» pourrait s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros. F.-X.G.
Olivier Dubois, l’attente et l’espoir
8 avril. On aimerait tant. On aimerait tant que ce rappel de fin d’année n’ait plus d’objet au moment de sa parution. Que ces mots n’aient plus de sens. On aimerait tant. Olivier Dubois, journaliste de 47 ans, correspondant au Mali pour Libération, le Point et Jeune Afrique, a été enlevé à Gao, au nord du pays, le 8 avril. Il était en reportage, il pratiquait son métier : informer le public. Il cherchait à expliquer aux lecteurs la complexité de cette région, le Sahel, bousculée par des mouvances diverses, souvent troubles. Une preuve de vie a été apportée début mai, lors de la diffusion d’une vidéo. Elle confirmait qu’il est détenu par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim, selon l’acronyme arabe), lié à Al-Qaeda. Depuis, c’est l’attente et l’espoir aussi. Sa famille, ses amis, ses collègues, d’anciens otages, Reporters sans frontières, sont mobilisés sans relâche pour rappeler que ce père de deux enfants ne faisait que son métier et que son kidnapping n’a pas de sens. On aimerait tant ne pas avoir à écrire ces lignes. Mais puisqu’il le faut, répétons-le : Olivier Dubois, journaliste, doit être libéré au plus vite. Tous, nous l’attendons, nous ne l’oublions pas, nous espérons. S.D.-S.
<b>UNE ANNÉE DE COUPS D’ÉTAT EN AFRIQUE</b>
<i>Quatre putschs. Il faut remonter à 1999 pour retrouver trace d’un tel naufrage démocratique en Afrique. Le Tchad a ouvert le bal le 19 avril avec la mort d’Idriss Déby, tué sur le front où il était monté pour galvaniser ses troupes face aux rebelles. Son fils a repris les rênes. En mai, le quintette de colonels qui avaient renversé Ibrahim Boubacar Keïta en 2020 au Mali ont récidivé. Ont-ils inspiré le commandant Mamadi Doumbouya en Guinée ? Le 5 septembre, cet ex-légionnaire et son unité d’élite ont déposé Alpha Condé, «réélu» l’an passé. Enfin, le 25 octobre au Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhane a fait arrêter les membres civils du gouvernement à qui il devait transférer le pouvoir. La protestation a été brutalement réprimée (plus de 40 morts). Le Premier ministre Hamdok a finalement été rétabli à son poste, mais il reste sous la coupe des militaires. </i><i><b>C.Mc</b></i><i>.</i>
Israël: Bibi, c’est fini
13 juin. Hasta la vista, Bibi… Quatre élections stériles, un procès marathon pour corruption et un an de manifs sous ses fenêtres n’avaient pas réussi à débrancher Benyamin Nétanyahou, recordman de longévité à la tête de l’Etat hébreu. Seule la mise en branle, mi-juin, de la coalition la plus baroque de toute l’histoire d’Israël – les chantres des colonies s’alliant aux centristes roublards, aux islamistes pragmatiques et aux gauchistes désabusés – a pu mettre fin au règne du populiste le plus roué de sa génération : douze ans d’affilée aux manettes, quinze en cumulé avec son premier mandat (1996-1999). Le leader nationaliste du Likoud, acclamé en meeting en «roi Bibi» qui avait «fait d’Israël un empire», se voyait pourtant dans «une autre ligue» (son slogan). Celle des Poutine et des Trump, patriarche d’une révolution antilibérale mondiale. Désormais chef de l’opposition, Nétanyahou a cru que l’attelage façon «douze salopards» du gouvernement de Naftali Bennett (son ex-chef de cabinet) ne passerait pas l’hiver et serait défait sur le vote du budget début novembre. Raté. Mais son héritage reste vivace, de l’hallali du «processus de paix» avec les Palestiniens au rapprochement avec les pétromonarchies du Golfe face à un Iran re-nucléarisé. G.G.
L’Australie torpille les sous-marins français
15 septembre. En 2016, c’était le «deal du siècle» : la France vendait à l’Australie douze sous-marins d’attaque à propulsion diesel et électrique, avec des milliers d’emplois à la clé. Le 15 septembre, c’est le naufrage : lors d’une conférence de presse, le Premier ministre australien, Scott Morrison, torpille le partenariat et annonce que son pays va se doter de submersibles à propulsion nucléaire dans le cadre d’une nouvelle alliance stratégique entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni (Aukus). «Coup de poignard dans le dos», «rupture de confiance», «trahison», Paris ne décolère pas. Macron a depuis retrouvé une entente avec Biden, a reparlé avec Johnson, mais avec Morrison, le coup de froid persiste. Depuis Paris a vendu 80 Rafale aux Emirats pour 17 milliards d’euros : un montant qui fait (un peu) relativiser l’affront australien. A.V.
Vingt ans après, les talibans reprennent Kaboul
15 août. Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir, les talibans le reprennent. Ils s’emparent de Kaboul, la capitale afghane, sans combattre. Leur offensive a été fulgurante. Entamée en mai, elle a vu les provinces du pays tomber une à une. Démoralisées, mal ravitaillées, bien moins nombreuses qu’annoncées par des autorités afghanes corrompues, les forces gouvernementales se sont retirées, abandonnant armes et munitions, quand elles en avaient, à des talibans que rien ne semblait pouvoir arrêter. Le président Ashraf Ghani s’enfuit, lui, le 15 août. Il vit désormais aux Emirats arabes unis. Durant les négociations au Qatar, achevées le 29 février 2020 par un accord avec les Etats-Unis qui entérinait le retrait des troupes américaines, les talibans avaient laissé penser qu’ils n’exerceraient pas le pouvoir avec la même ultraradicalité qu’entre 1996 et 2001. Mais dès début septembre, l’annonce de leur gouvernement, alliance de la vieille garde du mouvement et de membres du redouté réseau Haqqani, responsables des attentats les plus meurtriers de ces quinze dernières années, annihile tout espoir de changement. Le pays s’enfonce, lui, dans «la pire crise humanitaire sur terre», selon l’ONU. L.Ma.
COP26, un sommet pour rien ?
1er-13 novembre. A quoi a servi la COP 26, la 26e conférence des Nations unies sur le climat qui a eu lieu à Glasgow en novembre ? Même si tous les pays respectaient leurs promesses de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qu’ils ne font pas, le monde se dirigerait vers un réchauffement «catastrophique» de +2,7 °C d’ici 2100. Loin du plafond de +1,5 °C, l’objectif à ne pas dépasser pour éviter les pires désastres. Responsables de ce chaos, les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) n’ont pas à s’inquiéter : certes, la déclaration finale de Glasgow les mentionne mais sans leur fermer la porte. Triste illustration, deux jours après la fin de la COP 26, les Emirats arabes unis, qui doivent accueillir la COP 28 en 2023, ont appelé à… poursuivre les investissements dans le pétrole et le gaz ! Enfin, malgré leurs promesses, les pays riches du Nord, historiquement responsables du réchauffement, ne se sont toujours pas montrés solidaires de ceux du Sud, en première ligne face à ses funestes impacts. Les COP climat, un bal des hypocrites ? C.Sc.
<b>SUR TOUS LES CONTINENTS, LA NATURE SE DÉCHAÎNE</b>
Que retenir des catastrophes naturelles qui ont émaillé 2021 ? Leur bilan humain, impossible à établir précisément mais qui se compte assurément en milliers de personnes ? Leur facture salée – 221 milliards d’euros selon le réassureur Swiss Re, en hausse de 24% en un an (compte non tenu des récentes tornades aux Etats-Unis)? Ou bien ce pic hallucinant de 49,6 degrés mesuré fin juin dans la province canadienne de Colombie-Britannique, étouffée alors par un «dôme de chaleur» avant d’être frappée, l’automne venu, par des inondations sans précédent ? De la fonte des glaces en Antarctique aux crues meurtrières en Allemagne et en Belgique, des inondations en Chine ou au Soudan du Sud aux sécheresses brésilienne, californienne ou kirghize, en passant par les incendies en Sibérie ou sur le pourtour méditerranéen, notamment en Grèce, aucun continent n’a été épargné par la colère de la nature, attisée par le changement climatique. «Le monde doit se réveiller. Nous sommes au bord du précipice», alertait en septembre le patron de l’ONU. En vain. Deux mois plus tard, la COP 26 sur le climat s’est soldée par un Pacte de Glasgow décevant, truffé de recommandations timides, d’engagements flous et d’échappatoires. <b>F.A.</b>
Le petit «Star Wars» de Moscou
15 novembre. Pourquoi la Russie a-t-elle dégommé un satellite à coup de missile ? Parce qu’elle le peut. Le 15 novembre, Moscou a revendiqué la destruction d’un satellite soviétique lancé en 1982. De quoi intégrer le club des puissances qui savent viser une cible en orbite (Etats-Unis, Chine, Inde), mais aussi générer des milliers de débris à une altitude où orbitent de nombreux satellites fonctionnels et deux stations spatiales. Même un mini-boulon peut endommager gravement un vaisseau à 28 000 km/h… Les occupants de l’ISS ont été confinés le temps de traverser le nuage de déchets. «La Russie a mis en danger non seulement les Américains et leurs partenaires, mais aussi leurs propres cosmonautes», s’est étranglée la Nasa. A l’heure où il s’agit de limiter voire nettoyer les débris en orbite, le spectacle de Moscou a viré à l’incident diplomatique. C.Gé.
Bélarus : des migrants utilisés contre l’UE
Mi-novembre. Pendant une semaine, au milieu du mois de novembre, ils ont été des milliers à camper dans le froid et la boue à Kuźnica, aux portes de l’UE. Des migrants et des réfugiés bloqués d’un côté par les soldats polonais et des kilomètres de barbelés, de l’autre par des gardes-frontières bélarusses, prompts à les pousser vers l’ouest. Depuis le début de l’été, une nouvelle route migratoire s’est ouverte au Bélarus, à l’initiative du régime d’Alexandre Loukachenko. Pour faire pression sur ses voisins européens, qui soutiennent l’opposition, l’autocrate a fait usage d’une «arme hybride» : des jeunes et des familles venus du Moyen-Orient et prêts à payer cher pour entrer en Europe. Une filière inédite où il suffit de prendre légalement l’avion pour le Bélarus, avant d’être conduit en bus ou en taxi vers la frontière où les douaniers se faisaient passeurs. Loukachenko a bien choisi sa menace. Pour l’UE, peu de sujets sont aussi sensibles que les questions migratoires et les pays visés – Pologne, Lituanie et Lettonie – ont vite fermé leur frontière, repoussant sans ménagement les réfugiés. Depuis des mois, des centaines d’entre eux errent chaque jour dans les bois et les marais. Plus d’une dizaine en sont morts de froid et d’épuisement. N.D.
Merkel, la fin d’une ère
8 décembre. Jusqu’au bout, Angela Merkel sera restée fidèle à elle-même. Après seize années aux commandes de l’Allemagne, la chancelière s’est retirée de la scène sans chichis, avec une certaine élégance. Le 8 décembre, c’est sur les bancs du Bundestag qu’elle a assisté à la prestation de serment de son successeur, Olaf Scholz. Vêtue de son «uniforme» (son tailleur-pantalon), les mains croisées en losange, elle a semblé gênée de voler un peu la vedette au nouveau chancelier, alors que les députés lui offraient une ovation debout. Scholz l’a ensuite raccompagnée à sa voiture, ils se sont dit au revoir avec un «check» des poings et voilà, Mutti, c’était fini. Le système allemand, fédéral, est conçu pour enrayer toute tentation d’ego, il favorise l’absence d’arrogance des chanceliers qui ne sont que les relais de coalitions où chaque décision est le fruit de négociations. Mais Merkel a poussé cette simplicité à l’extrême, son intelligence et son intégrité ont rassuré les Allemands, et le reste du monde, pendant seize ans. Au point que son successeur, pourtant issu d’un autre parti, le SPD, s’est inspiré avec humour de sa personnalité pendant sa campagne. Une transition élégante, c’est un autre exemple de ce que peut être la politique. S.D.-S.
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