Outrés ou catastrophés. Au Japon comme dans l’UE ou au Canada, le nouveau coup de boutoir de Donald Trump n’a pas laissé un coin de la planète insensible. Mercredi 26 mars, le président américain a poursuivi sa vaste offensive commerciale à l’international en annonçant qu’après l’acier et l’aluminium, 25 % de droits de douane supplémentaires seraient imputés aux automobiles.
Les taxes s’appliqueront à «toutes les voitures qui ne sont pas fabriquées aux Etats-Unis», a assuré le président depuis la Maison Blanche, avec une entrée en vigueur le 2 avril et un début de collecte dès le lendemain. Le taux total de taxation sera de 27,5 % de la valeur. «Nous allons faire payer les pays qui font des affaires dans notre pays et prennent notre richesse», a-t-il justifié. «Une très mauvaise nouvelle» selon le ministre français de l’Economie Eric Lombard, qui appelle, comme bon nombre de ses pays voisins, à une riposte européenne.
Véhémence allemande, prudence britannique
En Europe, alors que l’important secteur automobile allemand va être touché de plein fouet par ces mesures, Berlin a exigé de l’UE une «réponse ferme» en refusant de «s’inclin [er] devant les Etats-Unis». L’UE doit faire preuve de «force et de confiance en elle» face à Washington, a déclaré dans le ministre de l’Economie et vice-chancelier Robert Habeck. Le chef de file du centre droit (PPE) au Parlement européen, l’Allemand Manfred Weber, a lui estimé que le président Donald Trump commettait «une grosse erreur» et que tout le monde allait «en souffrir». En France, le ministre français de l’Economie a demandé à l’UE de négocier. «La seule solution va être [...] d’augmenter les tarifs douaniers envers les produits américains, et la liste est en train d’être établie par la Commission», a expliqué Eric Lombard.
Le gouvernement britannique – actuellement en négociations avec les Etats-Unis pour tenter de conclure un accord économique qui lui permettrait d’échapper aux droits de douane américains – a assuré, sans se mouiller, qu’il n’avait pas l’intention de «faire quoi que ce soit qui puisse intensifier ces guerres commerciales». L’industrie sidérurgique est d’ores et déjà visée par des droits de douane contre lesquels Londres n’a pas promis de riposte, contrairement à l’UE.
Pour l’instant assez mesurée, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a assuré regretter «profondément» cette mesure et a ajouté que l’UE «continuera à chercher des solutions négociées» avec les Etats-Unis. Elle affirme que les 27 allaient «évaluer cette annonce», en même temps que les autres mesures envisagées par Washington dans les prochains jours. Ces menaces surviennent à quelques jours de l’entrée en vigueur attendue début avril d’autres «droits de douane réciproques» imposés par les Etats-Unis aux biens entrant sur son territoire, les taxant au même niveau que les taxes qui sont imposées aux Etats-Unis.
A lire aussi
En Asie, la Chine imperturbable, le Japon prêt à la riposte
La Chine a estimé qu’une guerre commerciale ne fait «aucun gagnant». «Le développement et la prospérité d’aucun pays n’ont été obtenus en imposant des droits de douane», a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun, lors d’un point presse. Fidèle à son approche transactionnelle des relations internationales, Donald Trump avait aussi proposé mercredi à la Chine des ristournes sur les droits de douane, si un accord était trouvé pour la cession des activités américaines de ByteDance, maison mère chinoise du réseau social TikTok, menacé d’interdiction aux Etats-Unis. Mais Pékin s’y est opposé ce jeudi assurant que sa position contre les droits de douane était «cohérente et claire».
Le Japon, de son côté, a mis en garde contre l’«impact considérable» de l’offensive de Trump sur les relations commerciales et économiques nippo-américaines, ainsi que pour l’économie mondiale dans son ensemble. Tokyo envisage «des mesures appropriées» et considérera «toutes les options», a encore précisé le Premier ministre Shigeru Ishiba. En déplacement au Japon, le président brésilien Lula a assuré que son pays «ne pouvait pas rester sans rien faire» face à l’offensive douanière engagée par le républicain. «Nous avons deux options : l’une est de recourir à l’Organisation mondiale du commerce, ce que nous allons faire, et l’autre est de surtaxer les produits américains que nous importons – c’est-à-dire mettre en pratique la loi de réciprocité», a-t-il ajouté.
Des constructeurs automobiles remontés
Sans surprise, en plus des gouvernements, les constructeurs automobiles, principaux concernés, s’offusquent des mesures américaines. La Fédération des constructeurs automobiles allemands, s’inquiète d’un «signal fatal pour le libre-échange» et d’«une charge considérable pour les entreprises et les chaînes d’approvisionnement mondiales» de l’industrie automobile, «avec des conséquences négatives, notamment pour les consommateurs, y compris en Amérique du Nord». Il n’y aura «que des perdants» dans «la guerre commerciale qui s’ouvre» avec les Etats-Unis, a encore déclaré la Plateforme automobile (PFA), qui rassemble les grands constructeurs et équipementiers présents en France. «Pour l’Europe, ce conflit intervient au pire des moments, sur fond de transformation historique, de crise du maché et d’intensification de la concurrence», a-t-elle souligné. Il est «crucial» pour les grands constructeurs automobiles américains que les droits de douane imposés par Donald Trump ne fassent pas «monter les prix pour les consommateurs», ont prévenu à leur tour Ford, GM et Stellantis via un communiqué de l’association professionnelle des constructeurs américains (AAPC).
Menaces contre l’UE et le Canada
Le Premier ministre du Canada Mark Carney avait annoncé mercredi vouloir créer un réseau de construction automobile «entièrement canadien» pour faire face à la menace de Donald Trump de «mettre à l’arrêt définitivement» l’industrie automobile canadienne. Donald Trump n’a pas manqué de menacer Bruxelles et Ottawa de droits de douane encore alourdis s’il leur venait l’idée de coordonner leur riposte. «Si l’Union européenne travaille avec le Canada pour nuire économiquement aux Etats-Unis, des droits de douane à grande échelle, bien plus importants que ceux actuellement prévus, seront imposés à tous deux», a-t-il écrit sur le réseau Truthsocial.
A lire aussi
Mi-mars, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait estimé que le lien UE-Canada était «plus crucial que jamais». «L’Europe et le Canada sont des amis et des partenaires de confiance», a-t-elle réagi sur le réseau X le jour de l’entrée en fonction du Premier ministre du Canada Mark Carney. «Je me réjouis de travailler avec vous pour défendre la démocratie, le commerce libre et équitable, ainsi que nos valeurs communes».