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Libération
Précipitations

Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Oman : des Etats désertiques débordés par la pluie

Des torrents d’eau se sont abattus de dimanche à mardi sur les pays du Golfe. Un phénomène jamais vu, qui a provoqué des inondations parfois meurtrières et semé la panique dans des administrations inhabituées aux pluies.
A Dubaï, ce mercredi 17 avril. (Amr Alfiky/Reuters)
publié le 17 avril 2024 à 18h45

Alors que les responsables des pays du Golfe suivaient avec angoisse l’attaque de l’Iran sur Israël, ce week-end, et ses conséquences pour leurs pays fragiles, c’est à un déluge de toute autre sorte qu’ils ont dû faire face. Les fulgurations et déflagrations dans leur ciel assombri n’étaient pas l’effet de missiles, mais des éclairs et du tonnerre. Des trombes d’eau tombées du ciel ont inondé lundi en quelques heures les sables et les villes clinquantes de la péninsule arabique désertique. L’équivalent de près de deux ans de précipitations a été enregistré en une seule journée, alors qu’en cette saison, la sécheresse accompagne des températures qui commencent à dépasser les 30°C avant les chaleurs accablantes de l’été.

La tempête a atteint d’abord, dimanche, le sultanat d’Oman où 18 personnes sont mortes, dont neuf enfants dans un bus scolaire emporté par les eaux. C’est le bilan humain le plus dramatique des pluies torrentielles qui ont touché ces trois derniers jours les Emirats arabes unis (EAU), Bahreïn, le Qatar et certaines zones d’Arabie Saoudite à partir de lundi. Des pétromonarchies nullement préparées à ces conditions climatiques inédites. Les précipitations sont les plus importantes jamais enregistrées aux EAU, depuis le début des relevés en 1949.

Les routes submergées

Dans ces Emirats où tout est parfaitement organisé pour l’efficacité et la performance, les mesures annoncées au fil des heures par les autorités ont répondu à l’urgence, voire à la panique. Télétravail pour les fonctionnaires et si possible les travailleurs du privé, cours en ligne pour les écoles et les universités, limitation de tous les déplacements aux plus nécessaires rappelaient le confinement du temps de la pandémie de Covid.

Le plus important a été de limiter au maximum la circulation automobile sur les routes inondées dans ces pays où rouler est plus naturel que marcher. Les images des SUV imposants, roulant au pas dans 50 cm d’eau sur les autoroutes urbaines de Dubaï, ont révélé une autre facette de ces grosses voitures destinées aux routes ensablées du désert. Ce qui n’a pas empêché les pannes, encombrant et bouchant les voies.

De nombreuses routes ont été fermées à la circulation, partout considérablement ralentie par les eaux, alors que d’énormes files se sont formées sur les routes à six voies dont certains tronçons ont été submergés. La situation a été particulièrement critique pour l’accès à l’aéroport, très fréquenté, de Dubaï. Le hub aérien international qui fait la fierté de l’émirat avec son fleuron, la compagnie Emirates, a été frappé de plein fouet. Des dizaines de vols ont été annulés, la plupart des autres retardés, car les équipages autant que les passagers ne parvenaient pas à atteindre l’aéroport.

Une piscine créée dans un jardin

Les habitants, sidérés et débordés (au sens propre) par ces conditions météorologiques sans précédent, cherchent une explication du phénomène. Certains se sont interrogés sur les réseaux sociaux s’il ne s’agissait pas d’un dérapage de la technique du «cloud seeding» (ensemencement des nuages) pratiquée couramment à Dubaï pour augmenter les précipitations. Des avions dispersent des particules dans les nuages pour les alourdir en eau jusqu’à ce qu’ils lâchent leur contenu, qui tombe brutalement en averse. Or le centre météorologique des EAU a formellement nié avoir mené de telles missions ces derniers jours.

Tout le monde n’est pas nécessairement contrarié par l’épisode. Outre les enfants contents de ne pas aller à l’école et les parents de ne pas se rendre au travail, comme durant le confinement, beaucoup se réjouissent du spectacle inédit des pluies qui tombent et des eaux qui inondent leurs rues. «Maintenant j’ai une piscine dans mon jardin !» plaisante la résidente d’un quartier de maisons individuelles à Dubaï, postant sur Instagram une photo de son garage à ciel ouvert, submergé d’une vingtaine de centimètres d’eau.