Que va chercher Emmanuel Macron en Algérie ces jours-ci ? Un «apaisement mémoriel» et la «réconciliation», comme son entourage le martèle ? Un salut appuyé à la jeunesse des deux rives de la Méditerranée comme son escale dans un label de raï oranais suivie d’une «démonstration de breakdance» peut le laisser supposer ? Du gaz, comme en témoigne la présence dans sa délégation de la patronne d’Engie ? Un peu de tout cela, tant il est vrai que l’Algérie revêt plus que jamais une importance particulière pour la France et ce, pour deux raisons : le passé tourmenté qui lie les deux pays continue à peser sur la relation bilatérale et la capacité de la communauté franco-algérienne de l’Hexagone à oublier ce passif ; et le contexte de la guerre en Ukraine, qui raréfie les sources d’approvisionnement en énergie, transforme soudain l’Algérie en roi du pétrole.
Reportage
Emmanuel Macron, depuis toujours, a une relation singulière à ce pays, ce qui peut paraître étonnant pour un homme né quinze ans après la fin de la guerre d’Algérie, mais qui peut s’expliquer par l’attachement du chef de l’Etat à l’histoire et aux symboles. Avant même d’entrer à l’Elysée, en 2017, il créait la surprise en évoquant le «crime contre l’humanité» qu’avait représenté la colonisation française, suscitant de nombreux espoirs en Algérie, avant de braquer les autorités du pays, une fois élu, en accusant le système «politico-militaire» algérien d’entretenir une «rente mémorielle» et surtout en laissant entendre qu’il n’y avait pas de nation algérienne avant l’arrivée des colons français. Un chaud et froid qui a fini par fâcher tout le monde, en France comme en Algérie. C’est que le goût de la provoc et des petites phrases, cher au chef de l’Etat, s’accorde difficilement avec un dossier aussi sensible et explosif. Aujourd’hui, alors que le régime autoritaire d’Alger a étouffé – aidé par la pandémie – le Hirak et les rêves de démocratie de la population algérienne, Emmanuel Macron a peu de marges de manœuvre. Pas sûr que son intérêt pour le spectacle de breakdance dans les rues d’Oran soit suffisant pour faire oublier à la jeunesse algérienne ses propres exercices de voltige.