C’est un rachat qui a éveillé les inquiétudes de l’autre côté de la Manche. Car ce n’est pas n’importe quelle entreprise qui rejoint l’empire de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, mais bien l’opérateur postal historique Royal Mail, fondé il y a plus de 500 ans. L’opération a été approuvée en décembre 2024 par le gouvernement britannique qui a exigé, en échange, le maintien du siège social au Royaume-Uni.
Daniel Kretinsky, par ailleurs créancier de Libération, a investi 3,6 milliards de livres (4,2 milliards d’euros) dans une entreprise… en difficulté financière. Privatisé en 2013, Royal Mail subit aujourd’hui la baisse du trafic postal, tout comme la Poste en France. Les Britanniques ont envoyé, en 2025, moins de 7 millions de lettres, contre 20 millions en 2004. Et l’entreprise n’a pas réussi à tirer profit de la hausse du nombre de colis liée au commerce en ligne, face à ses concurrents DPD, DHL, Amazon et Evri.
Une fortune estimée à 9 milliards d’euros
Un rachat absurde, en apparence ? Au contraire, une enquête de la BBC, publiée lundi 14 avril, raconte, derrière cette opération, le rêve du magnat tchèque de bâtir un empire européen. Il compte faire de sa société EP Group un conglomérat puissant, présent sur trois secteurs clés : l’énergie, la distribution et la logistique. Le milliardaire possède 27,5 % d’International Distribution Services (IDS), qui contrôle Royal Mail. Il ambitionne de faire d’IDS le pilier logistique de son édifice tentaculaire, face à l’Allemand DHL, le Français DPD et l’Américain Amazon. IDS possède également GLS, qui siège aux Pays-Bas et livre dans toute l’Europe.
Or le personnage n’est pas anodin : sa fortune, évaluée à plus de 9 milliards d’euros, s’est construite en grande partie grâce au secteur énergétique, et en particulier aux énergies fossiles. Son holding EPH produit et distribue de l’électricité issue du charbon et du gaz. Il possède également Eustream, la portion de gazoduc qui acheminait du gaz russe dans toute l’Europe en passant par l’Ukraine – et ce jusqu’à tout récemment. Il aura fallu attendre fin 2024, et le non-renouvellement par l’Ukraine d’un contrat autorisant le passage du gaz russe sur son territoire, pour que ce flux cesse.
La France n’échappe pas aux ambitions du magnat tchèque. Il s’y est construit, ces dernières années, un empire industriel et médiatique. Propriétaire, entre autres, du groupe d’édition Editis et du magazine Elle, l’homme d’affaires a repris en 2024 le groupe de grande distribution Casino et multiplie les efforts pour s’emparer du géant informatique Atos.