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Libération
Choc des photos

En gare de Vilnius, en Lituanie, une exposition confronte les passagers russes à la guerre en Ukraine

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Après l’interruption de la liaison Saint-Pétersbourg-Helsinki, le Moscou-Kaliningrad est le dernier train russe à traverser un pays de l’Union européenne, la Lituanie. En gare de Vilnius, des images de la guerre en Ukraine ont été affichées pour avertir les passagers russes.
Une des photos affichées en gare de Vilnius, vendredi. (Petras Malukas/AFP)
publié le 28 mars 2022 à 19h30

Ce dimanche, l’Allegro a fait sa dernière halte avant un moment en gare d’Helsinki. Ce train à grande vitesse reliant la ville à Saint-Pétersbourg en trois heures et demie a été interrompu sine die à partir de ce lundi par la compagnie ferroviaire nationale finlandaise, VR. Avec l’arrêt des liaisons aériennes entre la Russie et les pays de l’Union européenne (UE), il était un des derniers moyens de quitter le pays agresseur de l’Ukraine pour rejoindre l’Occident. Depuis le début de la guerre, ce train était bondé de passagers russes. Des travailleurs transfrontaliers, majoritairement, ainsi que des Russes résidant ailleurs en Europe et contraints de transiter par la Finlande pour rentrer chez eux depuis la Russie. Mais aussi quelques passagers ayant pris un aller sans retour pour s’établir loin du pays de Vladimir Poutine.

Si l’Allegro était le dernier train à desservir l’Europe depuis la Russie, il n’est toutefois pas le dernier à la traverser. Il reste en effet celui reliant Moscou à l’enclave de Kaliningrad, située au bord de la mer Baltique. Ce dernier passe par Minsk, au Bélarus, avant de parcourir la Lituanie d’est en ouest. En temps normal, les voyageurs russes peuvent même descendre en gare de Vilnius. Mais depuis le début de la guerre, ce train ne s’arrête dans la capitale lituanienne que pour prendre ou laisser sortir des ressortissants de l’UE.

Le temps de cette escale en terres européennes, les Russes à bord peuvent apprécier l’accueil original qui leur a été réservé. «Chers passagers du train Moscou-Kaliningrad. Aujourd’hui, Poutine tue des civils en Ukraine. Approuvez-vous cela ?», répète en russe un annonceur de la gare de Vilnius.

La mise à l’épreuve des passagers russes ne s’arrête pas là. Pour les confronter à la réalité de ce qui leur est présenté comme une «opération spéciale de pacification» et non une guerre par les autorités russes, 24 photos de quartiers bombardés de Kyiv et Marioupol ont été installées à hauteur des fenêtres, sur le quai. Sur certaines de ces photos, on peut lire la phrase répétée par l’annonceur, également transcrite en russe.

Effet inverse de celui escompté

«Nous avons sélectionné des images qui reflètent avec émotion la sombre réalité que vit le peuple ukrainien», explique Jonas Staselis, président du Club des photographes de presse lituaniens, associé à l’organisation de cette exposition par la compagnie des chemins de fer lituaniens. Ces clichés représentant des immeubles détruits, des civils blessés, d’autres au milieu de quartiers pleins de débris ou encore des corps recouverts par des bâches ensanglantées, ont été réalisés par deux photographes ukrainiens : Evgeniy Maloletka et Maxim Dondyuk.

Ce dernier s’est vu consacrer un portrait dans le Time Magazine. Il y raconte que ses photos ont été prises lors du bombardement de Kyiv ,le 6 mars, au cours duquel il a été blessé au bras par un éclat d’obus. Le photographe dit aussi espérer que les personnes qui verront ses images «ne seront pas capables de les oublier. Une photo peut changer les gens, les sociétés. Avec un peu de chance, mon travail pourra aider à arrêter cette guerre», veut-il croire.

Si ces photos ont le mérite d’attirer l’attention sur ce qu’il se passe réellement en Ukraine, il n’est pas certain que le message transmis aux voyageurs soit celui escompté. Une image diffusée par la presse lituanienne laisse même suggérer que cette exposition attiserait les tensions plus qu’elle ne les apaiserait. On y voit effectivement un passager adresser un doigt d’honneur au photographe...