Pendant plus de trois ans, Karl Haucke s’est soumis à la «volonté du Seigneur», comme lui chuchotait son bourreau à l’oreille. Le père de l’internat de Bonn le violait au moins une fois par semaine, dans son bureau, lui demandant ensuite d’aller se confesser. «J’ai d’abord essayé de tout oublier», raconte l’ancien professeur, âgé aujourd’hui de 69 ans. Mais Karl Haucke n’a pas pu s’en sortir tout seul. Il a tenté de se suicider et a subi cinq internements en psychiatrie. «J’ai tout raconté à ma mère sur son lit de mort. C’est elle qui m’avait confié à l’Eglise les yeux fermés. Elle n’a jamais voulu me croire», dit-il.
Alors, lorsque l’archevêque de Cologne, le cardinal Rainer Maria Woelki, a annoncé en octobre qu’il ne publierait pas le rapport commandé en 2018 à un cabinet d’avocats de Munich sur les abus sexuels dans son diocèse, les troubles cardiaques et les tremblements l’ont repris. «Je ne pouvais plus dormir. Les poussées de sueur sont revenues d’un coup, dit-il. J’ai eu l’impression d’avoir été abusé une seconde fois.» La trahison est d’autant plus douloureuse que Karl Haucke avait fait confiance – une fois encore – à l’Eglise en acceptant de participer à un comité des victimes (Betroffenenbeirat) mis en place en interne par l’archevêque et de s’en faire le porte-parole. «Lorsque Rainer Maria Woelki est arrivé à Cologne, il avait promis de faire la lumière. Nous avions repris espoir. J’ai vite compris qu’il nous manipulait»