Le nom de Harald Naegeli ne vous dit peut-être rien. Ce Suisse, aujourd’hui âgé de 84 ans, est pourtant l’un des pionniers de la scène européenne du graffiti, se faisant un nom à la fin des années 1970 sous le pseudonyme de «Sprayer von Zürich» («Sprayeur de Zurich»). Ce nom ne disait apparemment rien non plus à l’équipe de nettoyeurs qui, il y a quelques jours à Cologne, a effacé en grande partie l’une de ses œuvres pourtant classée. En l’occurrence un squelette qui ornait le portail ouest de l’église romane de Sainte-Cécile, située en plein centre-ville et qui héberge un musée consacré à l’art religieux. De la célèbre silhouette, il ne reste désormais plus que le crâne et les mains après ce que la ville de Cologne qualifie d’«oubli tragique», expliquant que l’«entreprise de propreté était censée enlever un autre graffiti».
Immer wieder: @Koeln ist sooooooooo geil. #koelnkannsnicht #kunst #art #Museum #naegeli #respekt #StreetArt #graffiti pic.twitter.com/zGOS5fdn5i
— Stefan Koldehoff (@skoldehoff) September 12, 2024
Comme son pseudo l’indique, Harald Naegeli a commencé à peindre en animant les murs de la sage capitale financière helvète de figures filiformes réalisées de nuit à la bombe noire. Après avoir semé plus de 900 œuvres dans la ville, il est arrêté par les autorités et poursuivi pour dégradation de biens publics et privés, malgré le soutien d’intellectuels et d’artistes défendant son art. Il se soustrait à la justice suisse en fuyant en Allemagne et échappe à une peine prononcée par contumace de neuf mois de prison et 206 000 francs suisses d’amende.
«Sans Naegeli, il n’y aurait probablement pas de Banksy»
De l’autre côté des Alpes, il continue à exercer son art, réalisant notamment à Cologne, entre 1980 et 1981, une série de 600 graffitis connues sous le nom de Kölner Totentanz ( «La Danse macabre de Cologne»). C’est à cet ensemble qu’appartient le squelette outragé, la plupart des autres pièces ayant été effacées peu de temps après leur réalisation par les services municipaux. Avec le temps et la reconnaissance de ce que l’on appelle le street-art, quand il est jugé digne par les officiels, les quelques graffitis survivants de Sprayer von Zürich ont été préservés, et même classés. «Sans Naegeli, il n’y aurait probablement pas de Banksy, d’autant plus qu’il a lui aussi commencé sa carrière dans un anonymat nimbé de mystère», écrit le Kölner Stadt-Anzeiger.
L’affaire est d’autant plus ironique que, comme le rappelle le média local Report-K, l’œuvre en question avait fait l’objet d’une restauration. Harald Naegeli avait en effet refait lui-même le dessin en question, cette fois-ci en plein jour et en y étant invité, à l’occasion des 150 ans de l’Association artistique de Cologne. Il ne pourra pas se prêter de nouveau à l’exercice, sa santé ne le lui permettant plus, mais il a donné son accord pour une nouvelle restauration, promise par la municipalité.