En soi, rien de surprenant. Ni dans sa capacité infinie à faire parler de lui ni même dans ses propos profondément controversés. En affichant sans vergogne ni nuances son soutien à Vladimir Poutine lors d’une interview sur la BBC, le chef du parti d’extrême droite britannique Reform UK, Nigel Farage a réussi à secouer une campagne électorale assez morne. Au Royaume-Uni, il reste douze jours seulement avant les élections générales du 4 juillet qui devrait, sauf surprise spectaculaire, ramener au pouvoir la gauche, le parti du Labour, après quatorze années dans l’opposition.
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Pour l’artisan du Brexit, cette victoire attendue des travaillistes est une mauvaise nouvelle, mais pas complètement. Elle lui permet aussi de revenir au premier plan en politique en tentant, pour la huitième fois, de devenir député à la Chambre des Communes. Le système électoral outre-Manche, «First past the post», est unique en Europe. Il s’agit d’un scrutin uninominal à un tour, qui favorise les deux grands partis, conservateur et travailliste, et écarte les plus petits. En gros, le candidat dans une circonscription qui a obtenu le plus de votes devient député. Au fil des années, ce système a largement défavorisé Nigel Farage et les partis qu’il a dirigés – Ukip, Brexit Party et maintenant Reform UK – mais, selon les sondages, il pourrait cette fois-ci remporter au moins un siège, à Clacton, dans le sud-est de l’Angleterre, où il est candidat, voire deux ou trois autres. Il fait, en tout état de cause, beaucoup d’ombre aux tories.
«Ignoble justification de Poutine»
Lors de son interview vendredi 20 juin à une heure de grande écoute dans l’émission Panorama, Nigel Farage a posément estimé que c’est l’Occident qui a «provoqué» la guerre en Ukraine, notamment avec «l’expansion de l’Otan et de l’Union européenne vers l’Est», reprenant là mot à mot la propagande de Vladimir Poutine depuis le 24 février 2022 pour justifier son invasion d’un pays indépendant.
Sa déclaration a provoqué un concert de critiques unanimes, alors que le Royaume-Uni s’est montré à la pointe du soutien à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe. Ces propos sont «dangereux pour la sécurité de la Grande-Bretagne et de ses alliés, qui comptent sur nous, et ne font que renforcer Poutine», a ajouté le Premier ministre, Rishi Sunak, rejoint par la plupart de ses ministres qui ont rivalisé de critiques sur X. «Farage se fait l’écho de l’ignoble justification de Poutine pour l’invasion brutale de l’Ukraine», a réagi le ministre de l’Intérieur, James Cleverly, alors que John Healey, en charge des questions de défense au parti travailliste, a estimé que Nigel Farage «préférerait lécher les bottes de Vladimir Poutine plutôt que de défendre le peuple ukrainien».
Keir Starmer, dirigeant du Labour et très probable futur Premier ministre, a jugé «honteux» les propos de Nigel Farage. «Quiconque se présente pour devenir député au Parlement devrait très clairement énoncer que la Russie est l’agresseur, que Poutine en porte la responsabilité, et que nous nous tenons aux côtés de l’Ukraine, ce que nous avons fait depuis le début de ce conflit», a-t-il dit.
«Churchill va se retourner dans sa tombe»
Nigel Farage a affirmé sur la BBC avoir prévenu dès 2014, alors qu’il était député européen, qu’une nouvelle guerre avec la Russie était prévisible. Une prédiction sans doute facilitée par l’invasion russe de la Crimée ukrainienne la même année, ce que Farage n’a pas relevé. «Il m’a semblé évident que l’expansion de l’Otan et de l’Union européenne vers l’Est donnait [au président russe Vladimir Poutine] une raison de dire à son peuple russe : “Ils viennent encore nous chercher” et d’entrer en guerre», a-t-il déclaré sur la BBC.
«Nous avons provoqué cette guerre», a-t-il affirmé. «Bien sûr que c’est la faute [de Vladimir Poutine] – il a utilisé ce que nous avons fait comme excuse», a-t-il cependant tenté de nuancer. Nigel Farage, comme tous les mouvements d’extrême droite, n’a jamais dissimulé son admiration, voire sa proximité avec Vladimir Poutine. Il a répété vendredi soir ne pas aimer le dirigeant russe «en tant que personne», mais «l’admirer en tant qu’opérateur politique». Comme il admire, soutient et souhaite ardemment la victoire de Donald Trump aux élections américaines de novembre. «Churchill va se retourner dans sa tombe», a réagi de son côté l’ancien ministre de la Défense conservateur Tobias Ellwood dans le Daily Telegraph.