Installée sur la banquette d’un restaurant populaire de routiers en banlieue d’Erevan, Mariné regarde son omelette, sans grand appétit. La trentenaire a pu fuir mercredi son Haut-Karabakh natal, et a pris la route de la capitale arménienne, où elle va loger quelques jours chez des cousins. «C’est comme si j’étais dans une réalité parallèle. J’ai beau me répéter que l’Artsakh [nom arménien de la république autoproclamée, ndlr] c’est fini, que plus jamais je ne le reverrai, mon cerveau est comme bloqué. J’ai tellement pleuré. Surtout, je ne sais pas où aller ni que faire, j’ai l’impression de ne pas avoir d’avenir. Comment prendre conscience que son pays n’existe plus ?» se demande la jeune femme, qui était vendeuse dans un commerce à Stepanakert.
«Pour quelques jours, il y a cette famille éloignée, mais après ? Je ne veux pas abuser d’eux, mais avec les prix ici ça va être impossible de vivre», dit la jeune femme en entremêlant nerveusement ses mains. Comme elle, de nombreux réfugiés ont fait une pause dans leur long voyage pour s’arrêter manger, avant d’arriver dans leur nouvelle vie à Erevan, la capitale de l’Arménie, où ils espèrent trouver plus facilement du travail que dans les régions plus rurales. Ici, on mange en silence. Les yeux sont cernés après une longue route. Tous ont l’air préoccupé. A l’entrée du restaurant, les voitures stationnent, remplies de bagages, tout ce que les réfugiés ont pu emporter de leur vie passée dans les montagnes du Haut