De la demi-heure qui a suivi l’attaque contre son imprimerie de Kharkiv, Tatiana Gryniuk ne souvient que de bribes, de «flashs» et de ce que lui ont raconté plus tard ses employés. Elle sait qu’à l’instant où le premier missile a explosé, juste après 10 heures le 23 mai, elle était au premier étage et qu’elle s’est jetée par terre. «Après, je suis restée allongée plusieurs minutes, jusqu’au quatrième et dernier missile. Mais ensuite, c’est flou. Des ouvriers m’ont dit que j’avais couru en bas, là où sont les machines. D’autres que je hurlais dans les couloirs des bureaux de se mettre à l’abri.» Lorsqu’elle est descendue dans la salle de production, elle a vu des flammes, de la fumée et des pompiers qui se frayaient un chemin à travers les gravats. Puis des corps. Les blessés les plus graves qu’elle a aidés à sortir sur des transpalettes. Et les morts, que les autorités lui ont demandé plus tard d’identifier. «Seuls deux étaient reconnaissables. Les cinq autres étaient carbonisés, il n’y avait plus que des bouts de leur corps, le reste était de la cendre.» Les portraits des sept employés, cinq femmes et deux hommes, sont désormais affichés dans le hall de l’imprimerie Factor-Druk, la plus grande d’Ukraine.
Reportage
Tatiana Gryniuk la fait visiter, le pas pressé.