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Libération
Rends les roubles

A part François Fillon, la majorité des ex-dirigeants européens démissionne des entreprises russes

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
A la suite de l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Moscou, plusieurs anciens responsables politiques ont décidé de quitter les conseils d’administration des sociétés russes dans lesquels ils siégeaient. A quelques exceptions près...
François Fillon, à Saint-Pétersbourg, le 4 juin 2021. (Prokofyev Vyacheslav/Tass.Abaca)
publié le 25 février 2022 à 10h31

Mise à jour vendredi à 18h00 : François Fillon va finalement renoncer à ses mandats russesLe JDD doit publier dimanche une tribune de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et candidat de la droite à la présidentielle en 2017, dans laquelle il annoncera démissionner du conseil d’administration de Sibur, géant de la pétrochimie russe, où il siégeait depuis novembre. Selon le journal, il va aussi partir de Zarubeshneft, société pétrolière contrôlée par l’Etat russe, qu’il avait rejointe en juin.

Plusieurs anciens dirigeants européens sont pris dans un dilemme moral. Peuvent-ils continuer à travailler et être rémunéré par des grandes entreprises russes après l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine, qui a fait au moins 137 morts le premier jour ?

Pour les anciens chefs de gouvernement Esko Aho (Filande), Matteo Renzi (Italie) et autrichien Christian Kern (Autriche), la réponse est claire : c’est non. Une forme de sanction personnelle en plus des sanctions économiques décidées par les pays occidentaux.

Esko Aho, Premier ministre finlandais de 1991 à 1995, siégeait au conseil d’administration de l’une des principales banques russes, la Sberbank. «Au cours des dernières semaines j’ai complètement perdu confiance en ma capacité à comprendre la logique de ce que la Russie fait actuellement», justifie-t-il dans un quotidien, le Helsingin Sanomat.

L’ex-chef du gouvernement italien Matteo Renzi (2014-2016) siégeait dans le conseil d’administration de Delimobil, l’une des plus grandes sociétés d’autopartage russe, créée à Moscou il y a plusieurs années par un homme d’affaires italien. «Il a démissionné ce matin», indique son porte-parole le jour même de l’invasion.

L’Autriche, pays neutre et ami traditionnelle du Kremlin, ne compte pas moins de trois anciens chanceliers et deux anciens ministres ayant eu ou ayant toujours des intérêts financiers dans des entreprises russes. L’ancien chef de gouvernement de gauche Christian Kern (2016-2017) se retire du conseil de surveillance des chemins de fer de l’État russe, les derniers développements en Ukraine rendant selon lui cette décision inévitable.

Mais tous n’ont pas quitté leur fonction, du moins dans l’immédiat. L’ex-chancelier autrichien Wolfgang Schüssel, qui siège au conseil d’administration du groupe pétrolier russe Lukoil, a de son côté fait savoir à la TV publique ORF que Lukoil était cotée à la Bourse de Londres et qu’il ne s’agissait pas d’une entreprise publique. Il n’est donc pas nécessaire selon lui de démissionner.

Pas de départ non plus pour Gerhard Schröder, qui s’est déjà fait étriller par le passé pour ses liens avec Vladimir Poutine. L’ex-chancelier allemand de 1998 à 2005 est le président du conseil d’administration de Rosneft, premier groupe pétrolier russe, et du comité d’actionnaires de Nord Stream 2, gazoduc russo-allemand controversé, suspendu lundi par l’Allemagne. Il est en outre censé entrer en juin au conseil de surveillance du géant russe Gazprom.

Fillon dit «niet» à la démission

Pas de démission, enfin, pour l’ancien Premier ministre français François Fillon qui a rejoint en décembre le conseil d’administration du géant russe de la pétrochimie Sibur, contrôlé entre autres par Leonid Mikhelson, l’un des hommes les plus riches de Russie, et Guennadi Timtchenko, un proche du président Poutine visé par de récentes sanctions du Royaume-Uni. Fillon serait d’ailleurs dans le viseur des autorités britanniques, d’après la télévision Channel4, et pourrait bientôt intégrer la liste des personnes sanctionnées aux côtés des oligarques russes.

Mais outre le volet financier, c’est sur le plan moral que sa position est attaquée. «Les ex-dirigeants européens au service d’entreprises russes contribuent à jeter un discrédit majeur sur la politique», écrit dans une tribune parue dans Le Monde, le vice-amiral Patrick Chevallereau. On tacle aussi l’ancien chef du gouvernement depuis le camp LREM. «On se déshonore quand on se met au service des intérêts financiers russes proches de l’Etat russe», a cinglé le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune.

Quelques heures après le début de l’offensive russe sur l’Ukraine, François Fillon a publié un texte sur Twitter, dans lequel il semble renvoyer dos à dos les belligérants : «En 2014 j’ai regretté les conditions de l’annexion de la Crimée et aujourd’hui je condamne l’usage de la force en Ukraine. Mais depuis dix ans je mets en garde contre le refus des Occidentaux de prendre en compte les revendications russes sur l’expansion de l’OTAN. Cette attitude conduit aujourd’hui à une confrontation dangereuse qui aurait pu être évitée. […] Il faudra tôt ou tard trouver les voies d’un accord car nous vivons sur le même continent.