C’est un phénomène qui alerte les experts en désinformation et les associations de défense de la démocratie. Alors que les Slovaques sont appelés aux urnes samedi 30 septembre, ils sont inondés d’informations fausses, venant aussi bien des personnalités politiques en campagne que de l’étranger.
Peter Duboczi, rédacteur en chef du site luttant contre la désinformation Infosecurity.sk, cité par l’AFP, constate ainsi, que «l’écosystème de désinformation en Slovaquie […] atteint aujourd’hui son apogée». Il craint que l’élection législative de ce week-end soit la première à «refléter le plein potentiel de la désinformation». Selon lui, les principaux propagateurs de ces fake news sont les hommes politiques slovaques. Le favori pour le poste de Premier ministre, Robert Fico, leader du Smer, le parti de gauche populiste accusé de corruption lorsqu’il était au pouvoir de 2006 à 2010 et de 2012 à 2018, multiplie les déclarations prorusses. Parmi elles, l’idée que la guerre en Ukraine a commencé en 2014 car des «fascistes» ukrainiens ont tué des civils russes. Une accusation non fondée mais souvent utilisée par le Kremlin et les médias affiliés.
Des messages prorusses plus visibles sur les réseaux sociaux
Robert Fico n’est d’ailleurs pas seul à emprunter des éléments de langage de Moscou. Andrej Danko, le président du Parti national slovaque (SNS), un parti d’extrême droite qui devrait recueillir assez de voix pour avoir des sièges au Parlement, a ainsi déclaré en juillet que les territoires actuellement occupés par la Russie n’étaient pas «historiquement ukrainiens», reprenant l’un des principaux arguments avancés par Moscou pour justifier l’invasion de l’Ukraine. Peter Duboczi les accuse même d’être «des bras armés de la propagande russe».
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Plus largement, selon l’organisation à but non lucratif londonienne contre la désinformation Reset, 15 % des 365 000 messages de désinformation liés aux élections enregistrés au cours des deux premières semaines de septembre venaient de comptes prorusses. Ces messages sont aussi beaucoup plus vus, générant cinq fois plus d’exposition qu’un message moyen.
Une ambassade russe très active sur Facebook
Une partie de la désinformation prorusse diffusée en Slovaquie depuis l’invasion de l’Ukraine peut même être directement attribuée à Moscou. Selon Tomas Krissak, analyste chez Gerulata Technologies, une start-up spécialisée dans la désinformation, l’ambassade russe en Slovaquie est «la plus active de toutes les ambassades russes dans le monde si l’on examine les données de Facebook» et diffuse «beaucoup de désinformation et de récits manipulateurs». Une propagande efficace, puisque selon une enquête du groupe de réflexion slovaque Globsec, seulement 31 % des Slovaques ont une opinion positive du président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Les candidats ne sont néanmoins pas inspirés que par Vladimir Poutine. Prenant des notes sur la stratégie de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de 2020, Robert Fico ainsi que l’eurodéputé et membre du parti nationaliste Republika Milan Uhrik ont d’ores et déjà mis en garde sur d’éventuelles fraudes électorales, sans fournir aucune preuve de ce qu’ils avançaient.
Autre névrose importée d’outre-Atlantique, cette fois-ci du côté de la Floride et de son gouverneur républicain, Ron DeSantis, les discours contre la communauté LGBT + se sont aussi multipliés. Dans sa dernière vidéo de campagne Robert Fico se moque ainsi du chef du parti libéral Slovaquie Progressive (PS), Michal Simecka, en se demandant s’il «s’identifie comme un garçon, une fille ou un hélicoptère». Il a aussi déclaré que «l’idéologie du genre dans les écoles est inacceptable». L’ex Premier ministre centriste Igor Matovic, en exercice de mars 2020 à mars 2021, a aussi posté sur les réseaux sociaux : «73 genres ? Malade. Convertir des filles de 12 ans en garçons ? Malade.»
Les analystes et experts alertent aussi sur d’autres campagnes de désinformation, notamment relatives à l’arrivée de migrants du Moyen-Orient. Le chef de la police slovaque, Stefan Hamran, a même récemment dû demander aux responsables politiques d’arrêter de propager de fausses informations relatives à l’immigration, car elles commençaient à entraver le travail de la police.