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Libération
Reportage

A Tirana, le spectre du blanchiment derrière le boom immobilier

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Alors que les tours sortent de terre toujours plus nombreuses dans le centre-ville de la capitale, de nombreux Albanais observent ces transformations avec inquiétude et s’interrogent sur la place du crime organisé dans ces chantiers.
Depuis quelques années, les villas du Vieux Tirana sont détruites les unes après les autres. (Ferdi Limani/Libération)
par Louis Seiller, Correspondant à Pristina et photos Ferdi Limani
publié le 25 avril 2021 à 10h55

Beaucoup ne les remarquent même plus. Cachées derrière leur mur, ou déjà oubliées à l’ombre de nouveaux immeubles, les villas du Vieux Tirana disparaissent les unes après les autres. Architecte, Doriana Musaj mène une course contre la montre pour écrire leur histoire. «Ici, avant, il y avait deux villas, raconte la jeune femme, émue, en désignant une palissade de chantier, non loin du nouveau marché. L’une d’elles était considérée comme un monument de première importance : sous protection absolue de l’Etat ! Elles ont été détruites au printemps 2020. Sans aucune annonce et en pleine nuit…»

Avec leurs toitures en tuiles et leurs façades colorées, ces demeures de notables sont les témoins du début du XXe siècle. Une période charnière pour Tirana qui s’impose alors comme la capitale d’un Etat albanais naissant, émancipé de l’Empire ottoman et tourné vers l’Europe.

Les vestiges de cette époque, même protégés, ne semblent pas être la priorité des autorités. Faute d’entretien et de soutien financier de la part des institutions, ces élégantes villas tombent en ruine. Leurs propriétaires, souvent à court d’argent, résistent difficilement à la pression des promoteurs. «Pourquoi certaines villas ont-elles été déclarées monument culturel en 2015 et rasées quelques années après ? s’interroge Doriana Musaj, qui tente de cartographier le patrimoine de la capitale, en analysant des décisions administratives souvent contradictoires. Il y a un manque total de tra