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Droits de douane

Accord commercial entre les Etats-Unis et l’UE : pour Bayrou, l’Europe «se résout à la soumission» quand son homologue allemand se dit «soulagé»

Le Premier ministre français décrit un «jour sombre», ce lundi 28 juillet, après le deal conclu dimanche entre Washington et Bruxelles et prévoyant des droits de douane de 15 % sur les produits européens. L’Allemagne, l’Italie et l’Irlande se montrent plus satisfaits.
François Bayrou, le 15 juillet 2025 à Paris. (Abdul Saboor/REUTERS)
publié le 28 juillet 2025 à 8h37
(mis à jour le 28 juillet 2025 à 11h16)

Au lendemain de l’accord commercial arraché entre les Etats-Unis et l’UE, qui établit à 15 % les droits de douane américains sur les produits européens, le Premier ministre français affiche son mécontentement. «C’est un jour sombre que celui où une alliance de peuples libres, rassemblés pour affirmer leurs valeurs et défendre leurs intérêts, se résout à la soumission», a réagi François Bayrou sur X ce lundi 28 juillet.

Un peu plus tôt dans la matinée, son ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, a reconnu que si l’accord permet «une stabilité temporaire», il reste «déséquilibré». Il a mis en garde contre le risque d’un «décrochage» des Européens si ces derniers «ne se réveillent pas».

Le ministre s’est néanmoins félicité que l’accord exempte «des secteurs clés pour l’économie française (aéronautique, spiritueux, médicaments)», exclut «toute concession pour [les] filières agricoles sensibles» et «préserve [la] réglementation européenne sur des sujets comme le numérique ou le sanitaire».

«Mais soyons lucides : l’état de fait n’est pas satisfaisant et ne peut pas être durable», a estimé le ministre, en observant que les Etats-Unis «font le choix de la coercition économique et du mépris complet des règles de l’OMC».

«Nous devons en tirer vite les conséquences ou risquer l’effacement», a-t-il écrit, avertissant : «Si les Européens ne se réveillent pas, les difficultés des autres paraîtront toutes relatives face à notre décrochage.»

Le ministre du Commerce extérieur partage cet avis : «la messe ne doit pas être dite». Laurent Saint-Martin appelle à un «rééquilibrage», notamment dans les services : «Je ne veux pas qu’on s’arrête à ce qui s’est passé hier. Ce serait assumer que l’Europe n’est pas une puissance économique. Et surtout, il y a un enjeu politique derrière.»

Regard positif de Berlin et de Rome

Il n’y a pas que du côté de l’Hexagone que le deal contrarie : «Ce n’est pas un accord… Donald Trump a mangé Von der Leyen au petit-déjeuner», a raillé Viktor Orbán dans un live Facebook animé par le porte-parole de son parti nationaliste. Le Premier ministre hongrois juge le deal «pire» que celui obtenu par le Royaume-Uni.

Le chancelier allemand n’est pas de cet avis. Friedrich Merz s’est même dit «soulagé» que les droits de douane actuels - 27,5 % - soit presque divisés par deux. Il faut dire qu’outre l’automobile, pilier de l’industrie allemande, les secteurs de la chimie et des machines dépendent particulièrement des exportations vers les Etats-Unis. L’accord permet selon lui «d’éviter une escalade inutile dans les relations commerciales transatlantiques», même s’il aurait souhaité «davantage d’allègements». Son ministre des Finances s’est néanmoins montré un peu plus réservé : «Nous allons maintenant évaluer le résultat des négociations et ses répercussions sur l’économie et l’emploi en Allemagne», a-t-il souligné – la fédération des constructeurs automobiles allemands déplore encore, ce lundi, des droits de douane trop élevés.

Sur le même ton, le gouvernement irlandais, dans un communiqué, a dit «regretter» le nouveau taux mais s’est félicité qu’il apporte «une forme de certitude nécessaire» après des mois d’annonces et menaces tous azimuts dans les relations commerciales.

Giorgia Meloni, la Première ministre nationaliste d’Italie, voyait aussi cet accord d’un oeil «positif» dimanche soir, mais attendait d’en voir les détails. «Nous sommes prêts à mettre en œuvre des mesures de soutien au niveau national, mais nous demandons qu’elles soient également activées au niveau européen pour les secteurs qui seront particulièrement touchés par les mesures tarifaires américaines», a-t-elle ajouté dans un communiqué.

Du côté du gouvernement espagnol, le Premier ministre Pedro Sanchez a déclaré «soutenir» l’accord mais «sans aucun enthousiasme». «J’apprécie l’attitude constructive (...) qu’a eue la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a négocié cet accord avec le président américain Donald Trump», a fait savoir le chef du gouvernement lors d’une conférence de presse à Madrid.

En réponse aux critiques, Maros Sefcovic, commissaire européen chargé du Commerce, a martelé que le deal scellé avec les Etats-Unis sur les droits de douane est «meilleur qu’une guerre commerciale» avec Donald Trump. «C’est clairement le meilleur accord que nous pouvions obtenir dans des circonstances très difficiles», a-t-il ajouté.

Droits de douane levés sur certains produits stratégiques

L’accord a été annoncé lors d’une rencontre entre Donald Trump et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dimanche soir en Ecosse.

Il prévoit des droits de douane de 15 % sur les produits européens importés d’une part, tandis que l’UE s’engage à 750 milliards de dollars d’achats d’énergie – visant notamment à remplacer le gaz russe – et à 600 milliards d’investissements supplémentaires aux Etats-Unis d’autre part.

Les deux puissances ont aussi décidé de lever réciproquement leurs droits de douane sur certains produits stratégiques, dont les équipements aéronautiques, a ensuite précisé Ursula von der Leyen devant la presse.

Mise à jour à 13h10 avec la réaction de la Commission européenne ; à 11 heures avec la réaction de François Bayrou.