La porte s’ouvre pour la Croatie et se ferme devant la Bulgarie et la Roumanie. Bruxelles s’exprimait ce jeudi sur l’adhésion à l’espace Schengen des trois pays. L’Autriche avait déjà fait savoir dans la matinée qu’elle voterait contre l’élargissement de l’espace de libre circulation à la Roumanie et à la Bulgarie. La Croatie, quant à elle, a obtenu le feu vert du Conseil de l’Union européenne (UE), sans grande surprise. Les ministres européens de l’Intérieur doivent se prononcer à l’unanimité pour valider l’adhésion de chacun des trois pays à Schengen.
La Commission européenne réclame l’élargissement de l’espace de longue date et a encore réitéré cette volonté en novembre dernier. L’adhésion de la Croatie, pays touristique d’à peine 4 millions d’habitants, faisait peu de doute. Le pays intègre par ailleurs la zone euro le 1er janvier 2023. La situation est bien différente pour la Bulgarie et la Roumanie, qui attendent leur adhésion depuis plus de dix ans, aujourd’hui sans grand espoir d’être acceptées. Les deux pays ont pourtant rejoint l’UE en 2007, avant la Croatie, et remplissent les critères nécessaires pour intégrer l’espace Schengen. Mais les deux candidats font face à des réticences de plusieurs pays européens qui s’inquiètent notamment de voir un afflux migratoire causé par l’élargissement des frontières de Schengen.
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Parmi les réticents, la Suède a finalement revu sa position ces derniers mois au regard des efforts fournis par la Roumanie, face à la gestion des réfugiés ukrainiens et à l’importance stratégique du pays qui héberge désormais plusieurs bataillons de l’Otan. L’Autriche, elle, a durci son discours sur la question migratoire. Vienne redoute une hausse des demandes d’asile si les contrôles aux frontières bulgares et roumaines sont levés. Les Balkans s’en défendent : «Ils ne passent pas par la Roumanie», mais majoritairement par la Serbie, a réagi le ministre roumain de l’Intérieur, Lucian Bode. Il faisait référence aux plus de 128 000 migrants comptabilisés de janvier à octobre par l’agence européenne Frontex sur la «route des Balkans de l’Ouest».
Les Etats membres ont également demandé à la Roumanie et à la Bulgarie de faire des efforts en matière de justice et de lutte anticorruption. Les Pays-Bas, longtemps hostiles, se sont dits prêts à donner leur feu vert à la Roumanie mais restent «préoccupés» par la Bulgarie. «Je veux qu’on m’assure qu’on ne peut pas franchir la frontière avec un billet de 50 euros», soulignait le Premier ministre néerlandais Mark Rutte début décembre. Il accuse ainsi la Bulgarie de laisser passer des personnes simplement parce qu’elles ont soudoyé les gardes-frontières. Des propos jugés «insultants» et une attitude «discriminatoire» par le ministre de l’Intérieur bulgare, qui a rappelé «les efforts exceptionnels déployés pour répondre aux exigences des partenaires européens».
Placés par l’Europe sous la loupe du Mécanisme de coopération et de vérification, un dispositif de surveillance renforcée, ils en sont sortis en 2019 pour Sofia et le 22 novembre dernier pour Bucarest. De quoi raviver pour un temps les espoirs. La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, avait elle aussi fait espéré les deux nations à la mi-novembre, en assurant que «ces trois nations méritent de se sentir pleinement européennes».
Le dernier élargissement de Schengen date de 2008 avec l’entrée de neuf pays : la Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, les trois pays Baltes et Malte. L’espace, qui compte 26 pays dont 22 membres de l’UE, permet à plus de 420 millions d’habitants de voyager sans sortir leur passeport sur l’essentiel du continent.
Mise à jour : à 15 h 31, avec la validation pour la Croatie.