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Tensions

Affaire de corruption de membres du Parti socialiste : Pedro Sánchez s’est expliqué devant une commission d’enquête

L’audition sénatoriale du Premier ministre espagnol sur le scandale de corruption de certains de ses hommes de confiance s’est déroulée ce jeudi 30 octobre à Madrid dans une ambiance tendue entre le socialiste et l’opposition de droite.

Pedro Sánchez arrive pour assister à une audition devant une commission sénatoriale, ce jeudi 30 octobre 2025 à Madrid. (Javier Soriano/AFP)
Publié le 30/10/2025 à 11h37

Le scandale avait menacé de renverser son gouvernement minoritaire de gauche. Ce jeudi 30 octobre, Pedro Sánchez a comparu devant une Commission d’enquête sénatoriale, à Madrid, pour s’expliquer sur une affaire de corruption dont les protagonistes étaient certains de ses bras droits au sein du Parti socialiste espagnol (PSOE).

«Un cirque», a-t-il directement dénoncé au tout début de son audition devant les membres du Parti populaire (PP). Le principal parti d’opposition de droite, à l’origine de cette commission, avait pour objectif de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations commises par ses hommes de confiance et révélées par l’enquête, et qu’il y était même impliqué.

Une prise de parole du Premier ministre qui a provoqué un rappel «à l’ordre» : «un peu de respect», «Vous ne répondez à aucune question», lui a rétorqué le président de la Commission d’enquête. La séance a ainsi commencé sur les chapeaux de roues, à 9 heures, avec les questions incisives de la sénatrice de droite María Mar Caballero. «Oui ou non ? Répondez !» ont lancé à plusieurs reprises les sénateurs à l’égard du socialiste qui se faisait couper la parole lorsqu’il essayait d’y répondre. Une tentative de déstabilisation face à laquelle le chef de l’exécutif a gardé son calme et sa ligne de défense : il n’a jamais rien su des turpitudes de ses alliés politiques.

Après cinq heures d’échanges très tendus, aucun aveu ou révélation n’a permis d’en savoir plus sur l’affaire de corruption qui fragilise le parti socialiste depuis plus d’un an.

Escroquerie, pots-de-vin et contrats illégaux

En février 2024, le scandale – connu sous le nom de l’«affaire Koldo» – éclatait au grand jour lors de l’arrestation de Koldo García Izaguirre l’assistant d’un ancien ministre des Transports et ex-bras droit de Pedro Sánchez, José Luis Ábalos. Soupçonné d’être au cœur d’une énorme escroquerie, l’homme aurait permis à une petite société d’obtenir entre mars et juin 2020, durant la pandémie du Covid-19, des contrats d’un montant de 53 millions d’euros pour fournir des masques à diverses administrations. Des contrats qui avaient dégagé des commissions illégales de plusieurs millions d’euros.

Mais le juge chargé de l’enquête était vite remonté jusqu’au ministre José Luis Ábalos, considérant qu’il avait joué un rôle d’«intermédiaire» dans l’affaire alors qu’il était aussi et surtout secrétaire à l’Organisation du Parti socialiste. Sa présence à ce poste clé, qui en faisait l’homme de confiance de Pedro Sánchez, n’a pas manqué de favoriser la méfiance envers le Premier ministre.

D’autant plus que le successeur de José Luis Ábalos comme secrétaire du parti, Santos Cerdán, a été placé en détention provisoire en juillet. Il avait à son tour été mis en cause en juin dernier, après la publication d’un rapport de police selon lequel il était au cœur du réseau de corruption et avait touché des pots-de-vin en échange de contrats publics.

«La vérité entraînerait votre chute»

Ce jeudi 30 octobre, le Premier ministre a donc été convoqué au Sénat, à Madrid, dans un climat de polarisation politique extrême alors que le PP, d’opposition de droite et majoritaire à la chambre haute, a fait de la corruption l’axe principal de son offensive contre le gouvernement de gauche.

«Jusqu’à quand allez-vous prétendre que vous ne saviez rien de tout ce que faisaient tous ceux qui vous entouraient ? Vous avez nommé Ábalos, fait confiance à Koldo, nommé Cerdán, proposé un procureur général qui est aujourd’hui sur le banc des accusés. Vous avez votre frère, votre femme mis en examen», a énuméré la sénatrice Maria Mar Caballero, citant les différentes affaires touchant l’entourage du Premier ministre socialiste.

En face, Pedro Sánchez a dénoncé des allégations absurdes et éludé la plupart des interrogations. «Ce n’est pas une commission de diffamation comme vous dites», l’a repris le président de la Commission parlementaire, Eloy Suárez (PP, droite), qui l’a appelé à faire preuve de «respect».

Le Premier ministre espagnol, lui, a conclu que son audition n’était qu’«une instrumentalisation grossière d’une institution nécessaire à notre démocratie, le Sénat, un autre abus finalement de la part du Parti Populaire et de Vox», parti espagnol d’extrême droite.

La veille de l’audition, le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo, l’avait provoqué au Congrès des députés : «Pensez-vous dire la vérité ?» l’avait-il interrogé. Une «question rhétorique» dans la mesure où il est, selon lui, exclu que Pedro Sánchez puisse dire la vérité sur cette affaire, de peur de s’incriminer. «Vous mentirez de nouveau, parce que vous savez que la vérité entraînerait votre chute» a lancé le chef du premier parti d’opposition, accusant le Premier ministre d’avoir menti «à tous» et sur tous les sujets.

Rejet de toute «corruption systémique» au sein du parti

Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu’il ignorait tout de l’affaire et que le Parti socialiste n’avait jamais bénéficié de financements illégaux. Il a redit en septembre qu’il ne disposait d’«aucune information» sur les délits reprochés à José Luis Ábalos, Santos Cerdán et Koldo García Izaguirre, et a rejeté toute «corruption systémique» au sein de son parti.

Outre cette tentaculaire affaire Koldo, Pedro Sánchez est englué dans d’autres affaires judiciaires qui le touchent de près : son épouse, Begoña Gómez, devrait être jugée pour une affaire de corruption et trafic d’influence, et son frère David le sera également pour trafic d’influence. Enfin, le procureur général de l’Etat qu’il a nommé, Álvaro García Ortiz, sera jugé à partir de lundi pour violation du secret judiciaire.