La politique agricole commune (PAC) va à l’encontre des objectifs de décarbonation de l’Union européenne. «Il est urgent de repenser les politiques de la PAC pour soutenir une alimentation durable», affirme même une étude scientifique parue dans la revue Nature Food ce lundi 1er avril. Selon celle-ci, 82% des subventions agricoles de l’UE viennent soutenir la production animale, qui est fortement émettrice de gaz à effet de serre.
«Nous avons mis en évidence que la PAC soutient de manière disproportionnée les produits carnés au détriment des productions végétales», indique l’autrice principale de l’étude, Anniek Kortleve, de l’université néerlandaise de Leyde. Les subventions directes aux éleveurs représentent la moitié des aides – qui se sont élevées à 57 milliards d’euros en 2013 –, finançant ainsi une agriculture hautement émettrice de gaz à effet de serre, selon les chercheurs. «C’est un peu une surprise. C’est un peu plus prononcé que ce qu’ont montré d’autres études publiées précédemment, à cause de la prise en compte des aides pour l’alimentation animale», poursuit la chercheuse.
L’étude se concentre sur 2013, dernière année où l’ensemble des données analysées sont disponibles, mais les chiffres des aides montrent que «peu de choses ont changé» dans leur distribution jusqu’en 2020, explique Paul Behrens, coauteur de ce travail et professeur associé à l’université de Leyde. En plus des aides directes aux éleveurs, l’étude relève l’importance des aides à la production d’aliments pour le bétail. Les aides à l’élevage bovin passent ainsi de 71 centimes d’euro par kilo à 1,42 euro, en incluant l’aliment pour le bétail.
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Alors que les systèmes alimentaires représentent près du tiers des émissions de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique, la PAC est «économiquement dissuasive pour les transitions» vers des pratiques plus durables, conclut cette étude. A l’échelle mondiale, «les émissions du système alimentaire suffisent à nous emmener au-delà de 1,5°C», déclare Paul Behrens, en référence à la limite de hausse des températures fixée par l’accord de Paris sur le climat de 2015 par rapport à l’époque préindustrielle.
Réserver des étendues de terres aux animaux d’élevage et à leurs aliments empêche également la reforestation et d’autres pratiques qui pourraient permettre le retour de davantage d’espèces végétales et animales et une meilleure absorption du carbone, ajoute-t-il. «Il sera très difficile de respecter nos objectifs si on met en place un système économique qui encourage les productions les plus néfastes», se désole Paul Behrens. Reconnaissant l’importance des aides pour les agriculteurs, il appelle à «réinventer» le système pour encourager les «services à l’environnement» tout en s’adaptant aux conditions «beaucoup plus précaires» liées au réchauffement climatique.