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CumEx Files

Allemagne: le chancelier Olaf Scholz rattrapé par le casse fiscal du Trésor public

Une commission d’enquête parlementaire sur le scandale des «CumEx Files» a interrogé vendredi le chancelier, soupçonné d’avoir fait pression sur le fisc municipal de Hambourg dont il a été le maire entre 2011 et 2018. Le chef du gouvernement a démenti toute «influence».
Olaf Scholz au Parlement, vendredi. (Daniel Bockwoldt/AFP)
publié le 19 août 2022 à 19h21

Mauvaise semaine pour Olaf Scholz. Vivement critiqué pour n’avoir pas réagi tout de suite aux propos révisionnistes du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui relativisait l’Holocauste mardi, le chancelier allemand est passé sur le gril du Parlement ce vendredi sur le scandale dit des «CumEx Files» : un dispositif ingénieux d’optimisation fiscale mis en place par des banques, permettant à des investisseurs étrangers d’alléger leurs impôts sur les dividendes, dans des montages financiers reposant sur des échanges d’actions multiples et rapides. Les investisseurs utilisaient une faille dans la loi et trompaient le Trésor public allemand. En 2019, deux banquiers britanniques ont comparu à Bonn pour avoir arnaqué le Trésor de 447,5 millions d’euros.

Eviter le remboursement

Révélée en 2017, l’affaire continue de faire grand bruit car elle met en cause des banquiers, des traders, des avocats et des conseillers financiers d’une dizaine d’Etats. L’audience de ce vendredi devant une commission d’enquête parlementaire visait à éclairer le rôle d’Olaf Scholz dans cette affaire où 55 milliards d’euros ont été soustraits aux fiscs de plusieurs pays, dont la France. Les enquêteurs cherchent à savoir si des dirigeants politiques – et parmi eux Scholz, en sa qualité de maire de Hambourg entre 2011 et 2018 – ont fait pression sur le fisc municipal afin qu’il renonce à recouvrer ces impôts.

En 2017, la banque Warburg, incriminée par les CumEx Files, devait rembourser 47 millions d’euros à la municipalité de Hambourg. Il s’est avéré que la ville avait renoncé à cette dette, peu après une conversation entre Olaf Scholz et le responsable de la banque d’alors, Christian Olearius. C’est notamment leur rencontre qui a été au cœur des discussions lors de l’audience : le banquier a affirmé que Scholz l’avait conseillé sur les façons d’éviter le remboursement. L’ex-maire de Hambourg est ainsi soupçonné d’avoir fait pression sur le fisc municipal de la ville.

Des documents, publiés par le quotidien Bild, comportent des extraits du journal de l’ancien responsable de banque, à propos d’une réunion du 26 octobre 2016. Il aurait ainsi écrit à propos de Scholz : «Il pose des questions, écoute sans exprimer la moindre opinion et sans indiquer s’il entend agir ou non.» Lors de l’audience parlementaire, le chef du gouvernement a réitéré fermement son démenti : «Je n’ai exercé aucune influence sur la procédure fiscale Warburg.» La dette avait finalement été remboursée sous la pression du gouvernement d’Angela Merkel.

«Suppression de données»

Ces derniers jours, d’autres éléments à charge ont fragilisé la position d’Olaf Scholz. Des mails d’une proche de l’ancien maire de Hambourg, saisis par les enquêteurs, ont récemment remis en cause ses dénégations. A en croire le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, ces nouveaux documents «accableraient» même l’actuel chancelier. Ces courriels porteraient notamment sur des «réflexions sur la suppression de données».

Chez un autre élu SPD, susceptible d’avoir joué un rôle dans le remboursement par la banque, les enquêteurs ont découvert plus de 200 000 euros en liquide dans un coffre-fort, alimentant les soupçons sur d’éventuels arrangements financiers occultes. «Je suis aussi curieux que vous l’êtes, et évidemment que j’aimerais savoir d’où [cet argent] provient», avait récemment rétorqué le chancelier, lors d’une conférence de presse.

Cette affaire ne fait rien pour arranger la cote de popularité du chancelier en baisse depuis son arrivée au pouvoir il y a seulement un an. L’opposition a largement profité de l’audience pour critiquer le gouvernement. Le député CDU Matthias Hauer a évoqué des informations «politiquement explosives». «Les dernières révélations laissent supposer qu’Olaf Scholz et son entourage direct se sont efforcés de ne donner que des informations limitées sur certaines rencontres ou conversations téléphoniques […] ou de les dissimuler volontairement afin de protéger l’actuel chancelier», a dénoncé le conservateur.