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Libération
Sur les rails

Allemagne : les conducteurs de train de la Deutsche Bahn obtiennent les 35 heures après une grève historique

La compagnie ferroviaire a annoncé ce mardi 26 mars avoir trouvé un accord avec le syndicat des conducteurs de train, portant sur une réduction du temps de travail et une hausse de leur rémunération. Il vient conclure quatre mois de bras de fer, un des conflits les plus durs auxquels a été confronté le rail allemand.
En gare de Berlin Hauptbahnhof, ce mardi 26 mars. (Nadja Wohlleben/Reuters)
publié le 26 mars 2024 à 15h17

Une grève historique et une sacrée avancée pour certains cheminots allemands. Les conducteurs de trains de la Deutsche Bahn (DB) ont obtenu le passage à la semaine de 35 heures sans perte de revenus, selon un compromis scellé avec la compagnie ferroviaire allemande. La DB a détaillé les contours de cet accord ce mardi 26 mars, qui met fin à l’un des conflits sociaux les plus durs et les plus coûteux auxquels a été confronté le rail allemand ces dernières années.

La réduction du temps de travail hebdomadaire, actuellement de 38 heures, se fera en quatre étapes jusqu’en 2029 pour ceux qui le souhaitent. Les salariés conservent de la flexibilité puisqu’ils pourront choisir de travailler jusqu’à «40 heures par semaine», chaque heure supplémentaire étant payée avec une majoration de 2,7 %. Les salariés ont aussi obtenu une prime d’inflation de 2 850 euros, ainsi qu’une hausse progressive de leur salaire de 420 euros par mois l’an prochain, selon la DB.

«La confrontation a été dure»

L’accord vient conclure quatre mois de bras de fer avec le syndicat GDL. Il permettra d’éviter pendant au moins un an toute nouvelle grève des chemins de fer, alors que la DB traverse déjà une grave crise opérationnelle et financière. «La confrontation a été dure, mais nous sommes parvenus à un compromis intelligent», a commenté Martin Seiler, directeur des ressources humaines de la DB. «Nous regrettons que nos grèves aient affecté les voyageurs», a déclaré ce mardi Claus Weselsky, l’inflexible patron de la GDL. «C’est un grand soulagement pour les passagers, même s’il aurait été possible de parvenir à un accord sans autant de grèves», a commenté l’association d’usagers Pro Bahn.

Le syndicat GDL, qui représente environ 20 000 conducteurs de trains sur les quelque 200 000 salariés de la compagnie ferroviaire, avait fait de la réduction du temps de travail une condition non négociable. Depuis fin 2023, ce syndicat a organisé une série de six grèves, certaines de plusieurs jours d’affilée, provoquant des perturbations massives dans le trafic passager et fret. L’été dernier, les autres catégories de personnels de la compagnie, représentées par le syndicat EVG, avaient obtenu des augmentations de salaire sans réduction du temps de travail. Ce premier accord court jusqu’en avril 2025 et empêche les arrêts de travail pendant cette période.

Une multiplication des conflits sociaux en Allemagne

Rien qu’en 2023, les grèves ont coûté 200 millions d’euros à la DB, qui a subi une perte annuelle de 2,3 milliards d’euros au moment où le groupe détenu par l’Etat doit dépenser massivement pour rénover et étendre son réseau après des années de sous-investissement. Le compromis avec la GDL «est financièrement difficile», a admis Martin Seiler. En outre, comme l’ensemble de l’économie allemande, la DB est confrontée à une pénurie de main-d’œuvre, un «risque majeur» dit-elle pour le maintien de son service.

Depuis un an, l’Allemagne fait face à une multiplication des conflits dans différentes branches professionnelles, des supermarchés aux services, mettant à mal sa tradition de dialogue social et de cogestion entre employeurs et représentants du personnel. Les salaires nominaux ont progressé de 6 % en moyenne en 2023 sur un an, soit une hausse de 0,1 % des salaires réels, selon l’office allemand des statistiques Destatis.

La réduction du temps de travail, voire le passage à la semaine de quatre jours, est une revendication qui fait tache d’huile dans de nombreux secteurs. Le patronat allemand s’y montre défavorable, alors que le pays traverse une crise du secteur industriel qui a entraîné un recul du produit intérieur brut de 0,3 % l’an dernier. La compagnie aérienne Lufthansa poursuit de son côté des négociations salariales avec ses personnels au sol et agents de cabine. Un autre conflit social concerne le personnel de sécurité des aéroports, qui a organisé plusieurs débrayages depuis janvier.