Plus d’un mois après l’effondrement de sa coalition gouvernementale, le chancelier allemand Olaf Scholz a affronté ce lundi 16 décembre le vote de confiance des députés, ultime étape pour mener au scrutin législatif de février qui mobilise déjà le pays. Et le verdict est celui attendu : le dirigeant de 66 ans a perdu ce vote, compte tenu des équilibres au sein de la chambre basse du Parlement, ouvrant la voie à des élections en février.
Parmi les députés présents à la chambre basse du parlement, 394 ont voté contre la confiance tandis que 207 ont voté pour, avec 116 abstentions, a annoncé la présidente du Bundestag. Olaf Scholz va désormais demander au chef de l’Etat Frank-Walter Steimeier de dissoudre le Bundestag afin de permettre la tenue du scrutin le 23 février dans la première économie européenne.
Analyse
Ce sabordage planifié de Scholz, au pouvoir depuis fin 2021, s’inscrit dans la grave crise que traverse la première économie européenne, autrefois modèle de stabilité politique, au moment même où son partenaire privilégié dans l’UE, la France, est également affaibli. La coalition gouvernementale hétéroclite avait implosé le 6 novembre, après le limogeage du ministre des Finances libéral en raison de différends insurmontables sur la politique économique et budgétaire. Olaf Scholz dirige depuis un gouvernement minoritaire entre son parti social-démocrate (SPD) et les Verts, dont l’action législative est paralysée.
Pour obtenir la dissolution du Parlement, permettant la tenue de législatives anticipées, le chancelier a posé la question de confiance au Bundestag. Depuis l’après-guerre, quatre chanceliers seulement ont posé la question de confiance au Bundestag, souvent pour provoquer des élections.
Alternance en vue
Malgré son impopularité chronique et l’échec de sa coalition, l’imperturbable dirigeant social-démocrate veut croire en ses chances d’un second mandat, pour un scrutin prévu le 23 février. A ce stade, les sondages lui accordent peu d’espoir et l’Allemagne se dirige vers une alternance politique avec le camp conservateur CDU /CSU, mené par Friedrich Merz et donné nettement gagnant, fort de 30 à 33 % des intentions de vote. Le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) est crédité de 17 à 19,5 %, mais les autres formations excluent toute coopération avec lui. Le SPD engrangerait 15 % à 17 % des voix, les Verts de 11,5 % à 14 %.
Mais le chancelier a déjà prouvé sa capacité à déjouer les pronostics en remportant les élections en 2021, contre toute attente. Et il veut renouveler la performance en rassurant par son expérience dans un contexte géopolitique mondial tourmenté et plongé dans l’inconnu par l’élection de Donald Trump. Les sociaux-démocrates ne perdent d’ailleurs pas une occasion de souligner l’inexpérience de Friedrich Merz, mis sur la touche autrefois par l’ancienne chancelière Angela Merkel (entre 2005 et 2021) et qui n’a jamais occupé de poste de ministre ou de maire.
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Si la guerre en Ukraine jouera un rôle important dans les débats, la campagne va d’abord «tourner autour des questions économiques et sociales», estime Claire Demesmay, chercheuse associée au centre Marc-Bloch de Berlin. L’Allemagne est «en proie au doute, le modèle allemand est en crise», souligne la chercheuse.
Promettre «la lune»
Menacée d’une deuxième récession annuelle d’affilée, l’Allemagne est aux prises avec une grave crise industrielle et s’inquiète des répercussions pour ses exportations de l’élection de Donald Trump. «Et le SPD veut évidemment se positionner sur ces questions», ainsi que celle «extrêmement importante» des emplois industriels après des annonces en cascade de plans sociaux, ajoute Claire Demesmay.
La stratégie d’Olaf Scholz jusqu’à présent : «promettre la lune», estime le quotidien Süddeutsche Zeitung, qui juge peu réalistes les promesses de primes européennes pour les voitures électriques ou d’une réduction de la TVA sur les produits alimentaires à 5 % pour soulager les foyers vulnérables. Friedrich Merz, ancien avocat d’affaires, mise lui sur un programme typiquement conservateur visant à renforcer la sécurité intérieure, durcir les procédures d’asile, soutenir les familles et les entreprises par des allègements fiscaux.
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Certains élus de son camp ont commencé, après la chute de Bachar al-Assad, à réclamer le retour en Syrie des nombreux réfugiés de ce pays accueillis par l’Allemagne. Dans l’état actuel des forces, un futur gouvernement mené par Merz, en coalition avec le SPD, constitue le scénario le plus probable.
Olaf Scholz a exclu jeudi de servir comme vice-chancelier dans un tel cas. Sur ce point, les deux hommes sont d’accord. «L’association Merz-Scholz et Scholz-Merz sera terminée d’une manière ou d’une autre le 23 février. Dans toutes les constellations possibles et imaginables», a déclaré Friedrich Merz vendredi au quotidien Rheinische Post.