L’ancien chef du gouvernement portugais, le socialiste António Costa, sera bien le futur président du Conseil européen. Sa nomination à un poste clé des institutions communautaires, jusqu’ici occupé par le belge Charles Michel, a été confirmée jeudi 27 juin lors d’un sommet des 27 chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles, en même temps que le deuxième mandat à la tête de la Commission européenne de l’Allemande Ursula von der Leyen et que la désignation comme cheffe de la diplomatie de l’Union européenne de la Première ministre estonienne, la centriste Kaja Kallas. Tous trois ont recueilli l’aval des dirigeants à la majorité qualifiée d’au moins 15 des 27 pays de l’UE, représentant 65 % de la population européenne.
A la tête du gouvernement portugais pendant neuf ans, dans un pays où le Premier ministre partage le pouvoir exécutif avec le Président, António Costa a montré des qualités de pragmatisme et de dialogue souvent reconnues à la démocratie portugaise, qui fête cette année ses 50 ans. Auréolé de son bilan positif comme maire de Lisbonne pendant huit ans, il était devenu chef du gouvernement en 2015. Rénovation urbaine et baisse de l’insécurité ont permis à la capitale de passer de la franche décadence à un dynamisme et une attractivité inédits mais aussi, revers de la médaille, de tomber dans le piège du surtourisme.
Une gestion de la pandémie citée en exemple
Secrétaire général du Parti socialiste, il négocie après les législatives de 2015 une union des gauches : les communistes du PCP et les anticapitalistes du Bloco, le Bloc de gauche, lui accordent leur soutien sans demander de ministres en échange. Une fragile configuration que beaucoup disaient vouée à l’échec mais qui a tenu près de six ans, pendant lesquels le Portugal, affaibli par le traitement de choc imposé en 2011 par les bailleurs de fonds après la crise financière, se relève progressivement et renoue avec la croissance. La gestion de la pandémie a été une autre occasion de faire briller les qualités du Premier ministre : le Portugal était cité en exemple pour son taux de vaccination élevé et le civisme de la population.
La lune de miel à gauche s’est achevée brutalement en 2021, quand les partenaires du Parti socialiste ont rejeté le budget présenté par Costa, lui reprochant d’utiliser davantage les fonds européens post-Covid au profit des entreprises que pour améliorer les salaires et les minima sociaux. Mais les élections législatives anticipées qui suivent, en janvier 2022, tournent au triomphe des socialistes, qui obtiennent la majorité absolue au Parlement.
Démission et victoire de la droite
Ce succès est pourtant suivi par une chute de la popularité de António Costa. Il est d’abord mis en cause dans le TAPgate, une série de scandales au sujet de la gestion de la compagnie aérienne TAP, renationalisée en 2021 au sortir de la pandémie pour la sauver de la faillite. Eclaboussé par une enquête sur la concession d’un site d’exploitation du lithium, portant des soupçons de «malversation, corruption active et passive de titulaires de fonctions politiques et trafic d’influence», il remet sa démission en novembre 2023 après sa mise en cause, ainsi que celle d’un de ses ministres.
On découvre rapidement que son nom était cité dans le dossier en raison d’une erreur de transcription d’une écoute téléphonique : il a été confondu avec son ministre de l’Economie et quasi-homonyme, António Costa Silva. Mais d’autres éléments contre le Premier ministre sont avancés. Les élections anticipées sont remportées avec une courte majorité par la droite modérée, et Luís Montenegro devient son successeur.
Attaché à l’Inde de ses ancêtres
D’autres révélations censées embarrasser l’ex-Premier ministre ont accompagné, ces dernières semaines, les négociations pour la nomination des dirigeants européens. Qu’il ait été choisi montre que ses partenaires n’y accordent aucun crédit. António Costa rejoint ces Portugais qui occupent ou ont occupé des postes importants dans les institutions supranationales : António Guterres, secrétaire général de l’ONU depuis 2017, ou José Manuel Durão Barroso, à la tête de la Commission européenne entre 2004 et 2014.
A 62 ans, António Costa, métis souriant et cultivé, est un homme ouvert sur le monde, une qualité appréciable au moment où l’extrême droite xénophobe fait tâche en Europe. Par son implication dans les institutions de la lusophonie, il est en contact avec le Brésil et l’Afrique, mais il est aussi attaché à l’Inde : sa famille était originaire de Goa, un comptoir commercial qui fut portugais jusqu’en 1961. Ce qui lui vaut la sympathie et les éloges de Narendra Modi, le Premier ministre indien, pourtant peu suspect d’amitiés socialistes.