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Libération
Main verte

Après la dépénalisation, l’Allemagne autorise les cannabis social clubs

Trois mois après dépénalisé la possession d’herbe en petite quantité, l’État fédéral autorise à partir de ce lundi 1er juillet ces structures associatives qui doivent permettre aux fumeurs d’accéder à un circuit légal de production et distribution de cannabis.
Dans les cannabis social clubs, les adhérents de plus de 21 ans pourront acheter au maximum 50 grammes d’herbe par mois (30 gr pour les majeurs avant 21 ans). (Monika Skolimowska/DPA)
publié le 30 juin 2024 à 15h55

Après la dépénalisation, les cannabis social clubs vont pouvoir ouvrir en Allemagne. Trois mois après légiféré sur l’herbe, l’État fédéral autorise à partir de ce lundi 1er juillet ces structures qui doivent permettre aux fumeurs d’accéder à un circuit légal de production et distribution de cannabis, moyennant un peu de patience jusqu’à la première récolte. C’est une seconde étape après que, le 1er avril, l’Allemagne a dépénalisé la possession de cannabis en quantité limitée.

Les clubs vont permettre aux amateurs de cultiver les plantes et de partager la récolte entre eux. Dans ces associations ouvertes aux seuls résidents en Allemagne, les adhérents de plus de 21 ans pourront acheter au maximum 50 grammes d’herbe par mois (30 gr pour les majeurs avant 21 ans).

L’attente suscitée est tangible : «Mariana Cannabis», une organisation qui regroupe 180 clubs à travers le pays, dit déjà compter 20 000 membres. En revanche, il n’y a encore ni semence ni plants sur leur terrain situé près de Leverkusen, dans l’ouest du pays. La faute au parcours administratif qui implique pour chaque club, limité à 500 adhérents, de demander une licence d’exploitation dont l’obtention peut prendre jusqu’à trois mois.

A Munich, le club cannabis Cantura est déjà complet. Ses membres cotisent 25 euros par mois depuis mars. Entre le coût d’un local, le système de sécurité et des équipements de culture très gourmands en énergie, l’investissement nécessaire se chiffre en centaines de milliers d’euros, selon Fabian Baumann, son président. Le trentenaire n’attend lui aussi qu’une seule chose pour commencer à planter : le permis d’exploiter qu’il espère au plus tard en octobre. «Il nous faut environ huit semaines entre le bouturage et la récolte. Si tout se passe bien, nous serons en mesure de fournir du cannabis à nos membres cette année. Ce serait merveilleux», dit-il.

«Il y a l’idée d’être prudent et d’évaluer en temps réel»

Le gouvernement allemand espère combattre les trafics et la criminalité en créant un circuit légal. «Le modèle allemand joue sur la progressivité. Il y a l’idée d’être prudent et d’évaluer en temps réel», observe Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), et coordinatrice d’une étude sur la mise en œuvre de la légalisation en Amérique du Nord. «L’idée est de garder le contrôle de l’offre pour éviter qu’elle prospère rapidement», explique-t-elle, rappelant que l’un des paradoxes de la légalisation aux États-Unis, est d’avoir créé «une situation de surproduction, en particulier en Californie et dans l’Oregon, où la production dépasse 5 à 6 fois la demande locale».

En revanche, tous les pays où la légalisation a été mise en place ont observé un recul du marché noir, plus ou moins rapide selon les modèles. Au Canada, seuls 40 % des fumeurs de cannabis s’approvisionnaient sur le marché légal l’année qui a suivi la légalisation en 2018, contre 75 % aujourd’hui, selon les chiffres de l’OFDT.

Blütezeit, une start-up berlinoise spécialisée dans le cannabis, espère que l’Allemagne ira encore plus loin et autorisera à l’avenir la vente dans des pharmacies ou des magasins sous licence d’Etat. Pour son dirigeant Nikolaos Katsaras, seul un marché commercial, compétitif et lucratif peut rivaliser avec un marché noir structuré depuis des années. En attendant cette hypothétique vente légale, Blütezeit a fédéré une communauté en ligne de 10 000 membres et envisage de développer des cannabis social clubs, du e-commerce et des services de télémédecine pour un usage médical de la plante.

Docteur en économie, Nikolaos Katsaras explique «prendre le pouls du marché». La seule crainte de ce chef d’entreprise, ce sont les élections législatives de 2025 et un changement de gouvernement. Le chef de l’opposition des chrétiens-démocrates (CDU), Friedrich Merz, largement en tête des intentions de vote, a annoncé qu’il annulerait la légalisation du cannabis si son parti revenait au pouvoir.