Menu
Libération
Conséquences

Après l’attentat de Solingen, le spectre d’une victoire pour l’extrême droite allemande

Le suspect de l’attaque au couteau qui a fait trois morts et huit blessés vendredi s’est rendu à la police. La revendication de l’attentat par l’Etat islamique pourrait profiter dès dimanche au parti anti-immigration AfD à l’occasion de trois élections régionales.
A Solingen, dimanche. (Thomas Banneyer/AP)
publié le 25 août 2024 à 17h54
(mis à jour le 25 août 2024 à 17h55)

Après la reddition samedi du principal suspect de l’attaque meurtrière au couteau perpétrée la veille à Solingen, dans l’ouest de l’Allemagne, et dont le bilan s’élève à trois morts et huit blessés, les yeux se tournent vers l’est du pays, où se tiennent dimanche 1er septembre des élections régionales. Trois Länder – le Thuringe, la Saxe et le Brandebourg – éliront leurs parlements régionaux. L’attentat, revendiqué par le groupe Etat islamique (EI), risque de bénéficier à l’AfD (Alternative für Deutschland), parti violemment anti-immigration et proche du néonazisme, porté par son succès aux européennes de juin : 15,9 % des voix et quatorze sièges au niveau national.

Samedi soir, le ministre régional de l’Intérieur de Rhénanie du Nord-Westphalie, Herbert Reul, déclarait : «Celui que nous avons cherché toute la journée est depuis peu en garde à vue.» Le suspect se serait rendu à la police après une cavale de vingt-quatre heures, les vêtements encore tachés de sang. Selon les médias Bild et Der Spiegel, il s’agit d’Issa Al H., un Syrien de 26 ans arrivé en Allemagne fin décembre 2022 et bénéficiaire du statut de «protection subsidiaire», souvent accordé aux personnes fuyant la Syrie, pays en guerre civile.

Il aurait en outre fait l’objet d’une mesure d’expulsion vers la Bulgarie, Etat où son arrivée avait été enregistrée et où il aurait dû déposer sa demande d’asile, en vertu des règles de l’Union européenne. Selon le vice-chancelier allemand, Robert Habeck, il ne figurait pas sur les listes des services de sécurité répertoriant les extrémistes islamistes considérés comme dangereux. Le parquet antiterroriste de Karlsruhe a ouvert une enquête dimanche. Le suspect a été écroué le même jour.

«Venger les musulmans de Palestine»

Vendredi soir, l’agresseur a attaqué au hasard les spectateurs d’un «festival de la diversité», organisé en plein air à l’occasion des 650 ans de la fondation de la ville de Solingen. Deux hommes âgés de 56 et 67 ans ainsi qu’une femme de 56 ans ont été tués, et huit personnes ont été blessées dont quatre grièvement. «Il s’agissait d’une attaque ciblée au niveau du cou» des victimes, a indiqué le chef de la police locale.

Le groupe Etat islamique a revendiqué cet acte qui a bouleversé l’Allemagne. «L’auteur de l’attaque contre un rassemblement de chrétiens dans la ville de Solingen […] est un soldat» de l’EI, avait affirmé dans la soirée de samedi le groupe jihadiste dans un communiqué transmis via son organe de propagande, Amaq. L’homme a agi «pour venger les musulmans de Palestine et de partout ailleurs», ajoute le texte.

Le vice-chancelier allemand, Robert Habeck, a appelé dimanche à durcir les lois sur le port d’armes blanches. «Certains renforcements juridiques sont justes et nécessaires : davantage de zones d’interdiction de port d’armes, des lois plus strictes […]. Personne en Allemagne n’a besoin d’armes blanches dans l’espace public», a-t-il affirmé sur X.

Plongée dans la consternation, une partie de l’Allemagne redoute une nouvelle poussée de l’extrême droite lors des scrutins de dimanche. En Thuringe, le candidat de l’AfD, Björn Höcke, a mené une campagne haineuse axée sur la «remigration», l’expulsion massive tant d’étrangers que d’Allemands d’origine étrangère. Lors de ses meetings, l’AFD distribue des avions gonflables bleu ciel, couleur du parti, symboles de cette politique que la plupart des observateurs jugent impossible à mettre en pratique.

Björn Höcke, ancien professeur d’histoire de 52 ans, était crédité avant l’attaque terroriste de 30 % des intentions de vote. Il représente la frange radicale de l’AfD, proche des mouvances néonazies. Il a été condamné à deux reprises cette année à de fortes amendes pour avoir lancé lors de réunions publiques le slogan «Alles für Deutschland» («Tout pour l’Allemagne»), l’ancienne devise des SA, l’aile paramilitaire du parti hitlérien.

La menace des populistes de gauche

Dans ce Land, le parti social-démocrate (SPD) du chancelier Olaf Scholz s’expose à une débâcle électorale. Mais même si l’AfD remporte les élections régionales, il est peu probable qu’elle accède au pouvoir car les autres partis ont exclu toute alliance avec elle pour former une majorité.

L’AfD est aussi en tête des sondages en Saxe-Anhalt, avec 32 % des intentions de vote, mais avec une faible avance sur le CDU au pouvoir. Dans le Brandebourg, l’extrême droite est créditée de 24 %. Mais un autre parti pourrait effectuer une percée dimanche : l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW). Cette formation populiste issue d’une scission de Die Linke (gauche radicale) rejoint l’extrême droite sur plusieurs points : la stigmatisation de l’immigration, le refus des politiques en faveur des communautés LGBTQ + et l’abandon de toute aide à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie.