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Libération
Contre-attaque

Après un mois de guerre, l’Ukraine à l’offensive

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Un mois après le début de la guerre, l’armée russe, qui a sous-estimé l’armée adverse et l’hostilité des habitants, semble marquer le pas. Mieux, à certains endroits, les forces ukrainiennes reprennent du terrain.
publié le 24 mars 2022 à 20h50

En période électorale, les médias américains l’utilisent abondamment pour évoquer un candidat ayant le vent en poupe. Mais à l’heure de la guerre en Ukraine, le mot latin «momentum» – qui veut dire mouvement et par glissade sémantique, une forme de dynamique, d’élan positif – saupoudre de plus en plus les analyses militaires. Avec une impression tenace : un mois après le début de l’offensive russe généralisée, sanglante et dévastatrice contre son voisin, le fameux «momentum» semble basculer du côté de l’armée ukrainienne.

Dans son édition du 10 mars, Libération détaillait déjà les carences surprenantes – erreurs stratégiques, problèmes logistiques, lacunes du renseignement… – de l’armée russe, qui ne progressait alors que très lentement, notamment autour de Kyiv. Deux semaines plus tard, non seulement la capitale, dont les Américains prédisaient la chute en quarante-huit heures (l’une de leurs rares erreurs d’analyse à ce jour), reste fermement aux mains des Ukrainiens. Mais ces derniers ne se contentent plus de résister : ils contre-attaquent et reprennent du terrain, notamment au nord-ouest et à l’est de la ville, avec pour principal objectif d’éloigner suffisamment les Russes pour limiter les frappes d’artillerie.

Reprendre l’initiative

Modestes, potentiellement mouvants et quasiment impossibles à mesurer sur le terrain, ces gains territoriaux n’en restent pas moins réels. Et symboliquement très forts. Mercredi, une source militaire américaine indiquait ainsi qu’à l’est de Kyiv, l’armée russe avait reculé de plus de 30 kilomètres en l’espace de vingt-quatre heures. «Les forces ukrainiennes mènent des contre-offensives limitées et efficaces autour de Kyiv pour empêcher les Russes d’encercler la ville, ce qui est devenu désormais extrêmement improbable», écrivait le même jour l’Institute for the Study of War dans sa note quotidienne. Selon le ministère britannique de la Défense, il existe même une «possibilité réaliste» que des unités russes se retrouvent encerclées à Boutcha et Irpin. Cela constituerait, pour le Kremlin, un revers majeur.

Galvanisée par un soutien populaire massif et un président, Volodymyr Zelensky, devenu chef de guerre respecté au-delà de ses frontières, l’armée ukrainienne serait-elle donc en train de reprendre l’initiative opérationnelle à son ennemi ? Le Pentagone l’a laissé entendre ces jours-ci, évoquant successivement «la tentative désespérée des Russes de reprendre de l’élan» et les Ukrainiens qui «passent à l’attaque». Mais si c’est le cas dans les faubourgs de la capitale, autour de Tchernihiv (au nord de Kyiv) ou, il y a quelques jours, de Kherson, ville du Sud sous contrôle russe, la Russie met à l’inverse, selon Washington, «beaucoup plus d’énergie et d’efforts» sur le front oriental du Donbass, en particulier autour de Louhansk. Tout en continuant d’accentuer ses bombardements indiscriminés contre les villes, au coût humain et matériel déjà considérables.

«Risque d’utilisation d’armes chimiques»

Face au deuil et aux destructions, l’armée et le peuple ukrainien qui, il y a quelques semaines, semblaient respectivement condamnés à une défaite militaire rapide et une longue guérilla face à l’occupant russe, résistent héroïquement. Au risque de radicaliser encore davantage Vladimir Poutine, dont le pays est par ailleurs pilonné par les sanctions internationales ? «Le risque d’une utilisation à grande échelle d’armes chimiques par la Russie sur le territoire de l’Ukraine est bien réel», a mis en garde jeudi le président ukrainien dans un message vidéo aux dirigeants du G7, réunis à Bruxelles. Une menace jugée «crédible» par Joe Biden, qui a promis, le cas échéant, une «réponse» de l’Otan.

Dans un autre message aux membres de l’Alliance atlantique, Volodymyr Zelensky a réclamé une «aide militaire sans restriction», leur demandant de fournir à l’Ukraine 1 % de leurs avions, tanks et systèmes de défense aérienne. «Nous voulons juste sauver notre peuple. Nous voulons survivre», a tonné le président ukrainien, avant de lancer, un brin provocateur : «Après une telle guerre contre la Russie, je vous le demande : ne nous dites plus jamais, s’il vous plaît, que notre armée ne remplit pas les standards de l’Otan. Nous avons montré de quoi nos standards sont capables.» En marge du marathon diplomatique du jour à Bruxelles, les Etats-Unis ont dit réfléchir à la fourniture à Kyiv de «missiles anti-navires». L’annonce a coïncidé avec la destruction, dans le port occupé de Berdiansk, d’un navire russe de transport de troupes. La vidéo du bâtiment en flammes a fait le tour du monde. Enième symbole d’une Ukraine qui résiste, encore et toujours. Au-delà de toute attente.