Seulement quatre jours après l’arrestation en Allemagne de deux espions russes présumés, soupçonnés de préparer des actes de sabotage, Berlin a procédé à un nouveau coup de filet ce lundi 22 avril. La justice allemande a annoncé l’arrestation de trois personnes soupçonnées d’espionnage dans le secteur militaire au profit de la Chine. Les suspects vont être présentés à un juge en vue d’un placement en détention provisoire.
Les trois personnes, de nationalité allemande, identifiées comme Herwig F., Ina F. et Thomas R., arrêtées à Düsseldorf et Bad Homburg, dans l’ouest du pays, «sont fortement soupçonnées d’avoir travaillé pour un service secret chinois à partir d’une date non exactement définie avant juin 2022», écrit le parquet fédéral, chargé des affaires d’espionnage en Allemagne. Leurs logements et lieux de travail ont été perquisitionnés.
Des renseignements sur des technologies militaires innovantes
«Thomas R. travaillait comme agent pour un membre du MSS (ministère de la Sécurité de l’Etat chinois, ndlr) se trouvant en Chine. Pour lui, il a récupéré des informations en Allemagne sur des technologies innovantes pouvant servir à des fins militaires», renseigne le parquet. Selon le journal allemand Der Spiegel, cet homme de 59 ans de Bad Homburg aurait utilisé une société dirigée par Herwig (72 ans) et Ina F. (58 ans) à Düsseldorf pour transmettre ces documents aux Chinois. L’entreprise du couple servait d’intermédiaire entre Thomas R. et le monde scientifique et de la recherche. C’est ainsi que les époux ont conclu, par le biais de leur société, un accord avec une université allemande pour le transfert de données, ajoute le parquet. Le nom de cette université n’a toutefois pas été précisé.
L’objet de la première phase de cet accord – entre leur société et l’université – consistait en la réalisation d’une étude pour un partenaire chinois sur l’état technique de pièces de machines, également importantes pour le fonctionnement de moteurs de bateaux puissants, par exemple dans les navires de combat. Or, le partenaire chinois n’était autre que le membre du ministère de la Sécurité de l’Etat chinois, pour lequel Thomas R. travaillait.
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Au moment de leur arrestation, les suspects étaient en train de négocier d’autres projets de recherche susceptibles d’être utiles pour renforcer la capacité de combat de la Chine, notamment dans le domaine maritime, ajoute le parquet. En outre, les trois mis en cause sont soupçonnés d’avoir acheté un équipement laser spécial pour le compte du ministère chinois, puis de l’avoir exporté vers la Chine sans autorisation. Or, ce laser est considéré comme un bien sensible, destiné à des applications civiles mais susceptible d’être utilisé à des fins militaires, et donc soumis à autorisation d’exportation.
Les services de sécurité allemands en alerte
La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, s’est félicitée de ces arrestations qui surviennent cinq jours après celles de deux hommes de nationalité russe et allemande, soupçonnés d’avoir voulu commettre au profit de la Russie des actes de sabotage contre l’aide à l’Ukraine, y compris sur une base de l’armée américaine. Nancy Faeser a par ailleurs affirmé que les services de sécurité allemands étaient «très vigilants» face au «danger considérable de l’espionnage chinois aussi bien dans les domaines économique, industriel et scientifique». Après de longues tergiversations, en raison des liens commerciaux étroits, l’Allemagne a récemment quelque peu durci ses relations avec une Chine «plus offensive».
Il y a quelques mois, la ministre de l’éducation avait ainsi mis en avant les risques d’espionnage scientifique par des étudiants chinois détenteurs de bourses d’Etat dans les universités allemandes. Il y a un an et demi, les dirigeants des services secrets allemands avaient aussi dénoncé une certaine naïveté dans le pays vis-à-vis de la Chine, désireuse de s’approprier du savoir-faire économique et scientifique de l’Allemagne.
Or, l’économie allemande, qui vit de ses exportations, reste très dépendante de l’immense marché chinois. Et les entreprises allemandes restent avides de partenariats dans ce pays, comme l’a encore montré la visite la semaine dernière du chancelier Olaf Scholz en Chine - la deuxième depuis son entrée en fonction.