Des cris et des jets de projectiles. Le roi Felipe VI d’Espagne, la reine Letizia, et le Premier ministre Pedro Sánchez ont été accueillis ce dimanche 3 novembre aux cris d’«assassins !», à Paiporta, ville dévastée par les inondations de cette semaine, par une foule en colère qui a lancé de la boue et divers objets sur le cortège, dans lequel figurait aussi le président de droite de la région de Valence, Carlos Mazón.
Les rescapés des inondations de cette semaine en Espagne ont donné libre cours à leur colère contre les dirigeants politiques espagnols dans cette ville d’environ 25 000 habitants, la plus endeuillée par la tragédie qui a fait au moins 217 morts.
‼️ Lanzan objetos y fango al rey a su llegada a Paiporta: “¡Asesinos!”https://t.co/WdBMbvISwd pic.twitter.com/GAwqOnZuWz
— elDiario.es (@eldiarioes) November 3, 2024
Au milieu d’une tension extrême, les souverains - qui n’étaient manifestement pas la cible des projectiles - ont eux-mêmes reçu de la boue sur le visage et sur leurs vêtements, une situation inédite dans toute l’histoire de la monarchie espagnole. Impassibles et dignes tout au long de cet épisode extraordinaire, ils sont restés environ une heure sur place pour parler aux résidents et essayer de calmer leur colère, avant de partir. La visite des souverains qui devait se poursuivre à Chiva, 17 000 habitants, une autre ville des environs de Valence durement frappée par la tragédie, a finalement été suspendue.
"¡A ti no te falta agua... y la gente aquí muriéndose!": así han increpado a los reyes, a Sánchez y a Mazón a su llegada a Paiporta https://t.co/WdBMbvISwd pic.twitter.com/kW4ci59HKt
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L’hostilité était en fait dirigée contre Pedro Sánchez et Carlos Mazón, sous le feu des critiques depuis les inondations survenues dans la nuit de mardi à mercredi dans la région. Les deux hommes ont d’ailleurs rapidement quitté les lieux, évacués par des services de protection visiblement très inquiets par ce qui s’apparentait à une scène d’émeute. «Mazón démission !», réclamaient des habitants, qui ont proféré des insultes et entonné des chants demandant «où est Pedro Sánchez ?»
Le gouvernement de Valence est sur la sellette pour l’envoi très tardif mardi soir d’un message d’alerte téléphonique aux habitants, alors que les services météorologiques avaient placé la région en «alerte rouge» dès la matinée. Les autorités sont également critiquées pour le manque de réactivité dans l’aide aux habitants.
Après la visite mouvementée, Pedro Sánchez a reconnu «l’angoisse et la souffrance» des sinistrés, mais condamné «tout type de violence». Selon la télévision publique (TVE), qui a montré des images du véhicule, la vitre arrière de la voiture de M. Sánchez a été brisée, le Premier ministre étant également copieusement insulté par la foule.
Nouvelles victimes découvertes
Selon un dernier bilan, 217 personnes ont péri dans les inondations, dont 213 dans la seule région de Valence, trois en Castille-la-Manche, où le corps sans vie d’une sexagénaire de Letur portée disparue mardi a été découvert dimanche matin, et une en Andalousie. A Letur, dans la province d’Albacete, le corps de la femme emporté par les flots en furie a été découvert à douze kilomètres du lieu de sa disparition, a indiqué lors d’une conférence de presse le délégué du gouvernement dans la région de Castille-La-Manche, Pedro Antonio Ruiz Santos.
Récit
Les autorités s’attendent à ce que le bilan s’alourdisse. «Il reste encore des rez-de-chaussée inondés ou des garages, des sous-sols et des parkings à déblayer et il est prévisible que des personnes décédées se trouvent dans ces espaces», a ainsi déclaré le ministre des Transports, Oscar Puente, dans un message sur X. Selon lui, le bilan a relativement peu évolué depuis 48 heures parce que les secours ont d’abord exploré «les zones plus accessibles», situées «en superficie». Au Vatican, le pape François a dit dimanche «prier pour Valence et les autres personnes en Espagne qui souffrent tant actuellement».
«On cherche des réponses»
Sur le terrain, la population reste confrontée à une situation dramatique, alors que de nombreuses infrastructures de transport et de télécommunications ont été détruites ou mises hors service. Dans beaucoup de localités, des tas de voitures et de débris boueux jonchent encore la chaussée. «Cela fait trois jours que nous nettoyons. Tout est couvert de boue», soupire Helena Danna Daniella, propriétaire d’un bar-restaurant à Chiva. «On dirait la fin du monde», ajoute cette trentenaire, se disant encore sous le choc cinq jours après les intempéries. Les personnes prises au piège de flots en furie «demandaient de l’aide et on ne pouvait rien faire. […] Cela vous rend fou. On cherche des réponses et on ne les trouve pas».
Face à ce chaos, Pedro Sánchez avait annoncé samedi l’envoi de 5 000 soldats supplémentaires dans la région, portant leurs effectifs à 7 500, soit le «plus gros déploiement de forces armées jamais effectué en Espagne en temps de paix», selon ses termes. A ces militaires s’ajoutent 10 000 policiers et gardes civils, chargés de rétablir l’ordre. Selon la police, 20 nouvelles interpellations ont eu lieu samedi soir pour des faits de vols et de pillages, portant à une centaine le nombre total de personnes arrêtées pour de tels délits depuis mercredi.
Mise à jour dimanche 3 novembre à 16h45 avec de nouveaux éléments ; à 17 h 25, avec la réaction de Pedro Sánchez.