L’auteur de la tuerie sur un marché de Noël de Magdebourg dort en prison. Il a été présenté à un juge samedi 21 décembre au soir et a été placé en détention provisoire. Quatre femmes, âgées de 45 à 75 ans, et un garçon de 9 ans ont été tués, et plus de 200 personnes blessées après que Taleb A. a lancé une voiture-bélier dans la foule sur près de 400 mètres. Le bilan pourrait encore s’alourdir car une quarantaine de personnes sont grièvement blessées. Tout au long du week-end, les responsables politiques allemands ont défilé sur les lieux du drame, dans la capitale du Land du Saxe-Anhalt.
Reportage
Ce dimanche, le gouvernement allemand doit faire face aux critiques autour d’une question : l’auteur n’aurait-il pas dû être stoppé bien plus tôt ? «Pourquoi ?», demande dans un éditorial le quotidien Bild, le plus lu d’Allemagne. Pourquoi Taleb A., médecin d’origine saoudienne de 50 ans, n’a-t-il pas été mis hors d’état de nuire alors que depuis des années il multipliait les signaux inquiétants en Allemagne ?
Les services secrets saoudiens avaient averti leurs homologues allemands
Selon le magazine Der Spiegel, les services secrets saoudiens avaient adressé il y a un an une mise en garde à leurs correspondants allemands du BND au sujet de Taleb A. En cause : un de ses tweets dans lequel il menaçait l’Allemagne d’un «prix» à payer pour son traitement des réfugiés saoudiens. L’avertissement est resté lettre morte, alors que l’homme s’enfermait toujours plus dans des discours complotistes et virulents.
Il ne cessait d’accuser l’Allemagne de ne pas assez protéger les Saoudiens fuyant leur pays pour échapper à un islam rigoriste, et en revanche d’accueillir à bras ouverts des musulmans radicaux d’autres pays. En août dernier, il écrivait encore sur son compte X : «Existe-t-il une voie vers la justice en Allemagne sans faire exploser une ambassade allemande ou égorger au hasard des citoyens allemands ? Je cherche cette voie pacifique depuis janvier 2019 et je ne l’ai pas trouvée».
En 2013 il avait été condamné à une amende à Rostock pour «troubles à l’ordre public» et «menaces de commettre des crimes». L’homme effrayait aussi dans la communauté saoudienne en Allemagne : Mina Ahadi, présidente du Conseil central des anciens musulmans, le décrit comme un «psychopathe ultradroite conspirationniste» haïssant tous ceux qui ne partagent pas sa haine.
CheckNews
La police allemande, après une évaluation «de risque» l’an dernier, avait jugé qu’il ne présentait pas de «danger particulier», rapporte Die Welt ce dimanche. La veille de l’attaque, le psychiatre saoudien a ignoré une convocation judiciaire à Berlin, où il était poursuivi pour un esclandre dans un commissariat refusant d’enregistrer sa plainte, selon des médias allemands.
Contexte électoral
Le chancelier Olaf Scholz appelle les Allemands à «se serrer les coudes», mais l’attaque de Magdebourg alimente les critiques en pleine campagne électorale, en vue des prochaines élections législatives de fin février. Sahra Wagenknecht, leader du parti de gauche radicale BSW, exige des explications après qu’un «si grand nombre de mises en garde ont été ignorées».
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«L’impéritie de l’administration, qui a permis l’horreur de Magdebourg, laisse sans voix», a critiqué de son côté la cheffe de file de l’extrême droite allemande, Alice Weidel. Son mouvement, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), a demandé la tenue d’une session extraordinaire de la chambre des députés sur la situation sécuritaire «catastrophique» du pays. Peut-être une façon, aussi, de faire oublier la proximité idéologique de Taleb A. avec la formation : ses affinités avec l’AfD transpiraient sur les réseaux sociaux.