Le Bélarus plonge encore un peu plus dans la dictature. Le président Alexandre Loukachenko a signé jeudi 4 janvier une nouvelle loi lui conférant une immunité à vie contre les poursuites pénales, tout en empêchant les dirigeants de l’opposition en exil de se présenter à de futures élections présidentielles, rapporte l’agence de presse américaine Associated Press.
Si la législation s’applique en théorie à tout ancien président et aux membres de sa famille, elle ne bénéficie en pratique qu’au dirigeant de 69 ans, qui impose un régime autoritaire à son pays au pays depuis près de 30 ans. En vertu de ce texte, Alexandre Loukachenko «ne peut être tenu pour responsable des actes commis dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs présidentiels», et ce même s’il quitte le pouvoir. Après sa démission, le président deviendrait également membre à vie de la chambre haute du parlement. La loi va encore plus loin, permettant au fidèle allié de Poutine et aux membres de sa famille de bénéficier à vie de la protection de l’Etat, de soins médicaux, d’une assurance-vie ainsi que d’une assurance-maladie.
Une opposition bâillonnée
Sans surprise, le régime poursuit sa répression tous azimuts à l’égard de la dissidence. La nouvelle loi, qui renforce considérablement les exigences relatives aux candidats à la présidence, rend impossible l’élection des dirigeants de l’opposition qui se sont exilés dans les pays voisins ces dernières années. Désormais, seuls les citoyens qui résident depuis au moins 20 ans au Bélarus et qui n’ont jamais eu de permis de séjour dans un autre pays peuvent se présenter.
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Une façon pour l’autocrate de renforcer encore davantage son pouvoir, et d’éliminer tout opposant potentiel à l’approche de la prochaine élection présidentielle, qui devrait avoir lieu en 2025. Depuis les manifestations de masse qui ont secoué le Bélarus après la réélection – jugée frauduleuse – de Loukachenko en août 2020, la répression a atteint un niveau inédit dans le pays. A l’époque, les autorités ont arrêté et torturé des dizaines de milliers de personnes, forçant de nombreux dissidents à fuir.
«Nous veillerons à ce que le dictateur soit traduit en justice»
Svetlana Tikhanovskaïa, la cheffe de l’opposition contrainte de se réfugier en Lituanie en 2020, a réagi à la drastique loi sur X (anciennement Twitter), estimant qu’elle prouvait la peur de Loukachenko de «devoir rendre des comptes». «Malgré ses tentatives pour échapper à la justice, le droit international prévaudra et aucune immunité ne le protégera. Nous veillerons à ce que le dictateur soit traduit en justice», a fustigé la dissidente, condamnée par contumace à 15 ans de prison en mars 2023.
Lukashenka's desperate scheme to grant himself lifelong immunity shows his fear of accountability. Despite his attempts to evade justice, international law will prevail & no immunity will protect him. We will ensure that the dictator is brought to justice.https://t.co/yDPxNBS42j pic.twitter.com/zFeYvUN7oY
— Sviatlana Tsikhanouskaya (@Tsihanouskaya) January 5, 2024
Fin décembre, Svetlana Tikhanovskaïa a tenu à rappeler que «plus de 1 500 prisonniers politiques» étaient encore derrière les barreaux au Bélarus, dont son colauréat du prix Nobel de la paix 2022, Alès Bialiatski. «Nous devons accroître la pression sur le régime pour obtenir leur libération immédiate», a ajouté sur X celle qui se considère comme la présidente légitime. Etouffée par le régime, l’opposition politique réclame continuellement la libération des dissidents, mais aussi des enquêtes sur les disparitions d’opposants, ainsi que sur les transferts illégaux d’enfants ukrainiens vers le Bélarus, auxquels Loukachenko est accusé de participer.