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Violences

Au Kazakhstan, 225 morts dans les émeutes du début du mois

Emeutes au Kazakhstan, une crise sans précédentdossier
Les émeutes qui ont secoué l’ex-république soviétique pendant une semaine ont fait 225 morts, selon les autorités. Un bilan nettement plus élevé que ceux annoncés précédemment.
Des fleurs déposées à l'entrée de l'ambassade du Kazakhstan à Moscou, lundi, en hommage aux victimes de la répression. (Alexander Zemlianichenko/AP)
publié le 15 janvier 2022 à 18h21

C’est un nouveau bilan officiel, nettement plus lourd que les précédents. Lors d’un point de presse organisé ce samedi, les autorités du Kazakhstan ont annoncé que la vague de violence ayant secoué le pays au début du mois avait fait 225 morts. Le dernier bilan officiel faisait état de moins de 50 morts, même si des sources évoquaient déjà, il y a une semaine, le décès d’au moins 160 personnes.

«Pendant l’état d’urgence, les corps de 225 personnes ont été admis dans les morgues, dont 19 étaient des agents des forces de l’ordre et des militaires», a déclaré Serik Shalabaev, un représentant du Procureur général. D’autres cadavres étaient ceux de «bandits armés qui ont participé à des attaques terroristes», a-t-il ajouté. «Malheureusement, des civils ont également été victimes d’actes terroristes.»

Hausse des prix du gaz

D’une ampleur inédite dans le pays, les émeutes ont débuté par des protestations pacifiques contre la hausse des prix de l’énergie. Le 2 janvier dans la petite ville de Janaozen, dans l’ouest du Kazakhstan, des premières manifestations éclatent pour protester contre la hausse brutale des prix du gaz, multipliés par plus de deux en quelques jours, alors que la quasi-totalité des véhicules de la région roulent au gaz naturel liquéfié. Dans cette partie du pays, riche en hydrocarbures mais qui n’en touche pas les bénéfices - population pauvre, infrastructures délabrées -, cette augmentation fait exploser le mécontentement.

Partie de l’ouest, la contestation prend rapidement de l’ampleur et se répand aux villes alentour. D’abord à Aktaou, la capitale régionale. Puis, dès le lendemain, dans la plupart des grandes villes kazakhes. Aux revendications économiques commencent à se mêler des slogans politiques, dont la démission du gouvernement forçant le pouvoir central à lâcher du lest.

Le 4 janvier, le président Kassym-Jomart Tokaïev, en poste depuis 2019, annonce un gel des prix du gaz pour six mois, tout en exhortant les manifestants à la prudence et à ne pas «céder aux provocateurs». Mais dans tout l’ouest et dans la capitale économique, Almaty, les manifestations tournent à l’émeute. Des milliers de manifestants prennent d’assaut la mairie d’Almaty, incendiée, et s’emparent brièvement de l’aéroport.

Soutien de Moscou

Rapidement, la répression se met en place, de plus en plus féroce au fil des jours. L’état d’urgence national est décrété, les communications coupées. Et pour mater la contestation, le chef de l’Etat fait appel à Moscou et ses alliés, qui déploient le 6 janvier «une force collective de maintien de la paix pour protéger les installations étatiques et militaires», dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), qui regroupe la Russie et cinq anciennes républiques soviétiques alliées.

Les autorités kazakhes imputent les actes de violence à des «bandits» et des «terroristes» internationaux qui, selon elles, ont détourné les manifestations pacifiques. Le vendredi 7 janvier, le président annonce avoir autorisé ses forces à «tirer pour tuer». Trois jours plus tard, il assure que «l’ordre constitutionnel a été rétabli» dans le pays, qui a vaincu «une tentative de coup d’Etat» fomenté par des «combattants» étrangers. Son allié russe, Vladimir Poutine, dénonce lui aussi une «agression du terrorisme international».

Selon les autorités, plus de 12 000 personnes ont été arrêtées au cours de cette semaine de violences, qui ont fait en outre des milliers de blessés. Asel Artakshinova, porte-parole du ministère de la Santé, a indiqué que plus de 2 600 personnes avaient été hospitalisées, près de 70 se trouvant encore actuellement dans un état grave.

Les troupes de l’Organisation du traité de sécurité collective, dirigée par Moscou, qui sont intervenues, ont commencé jeudi à se retirer progressivement.